20 avril 2023 - 07:00
Brolem Textiles au bout du rouleau
Par: Adaée Beaulieu
La propriétaire de Brolem Textiles, Gisèle Brodeur, tirera sa révérence en juillet pour une retraite bien méritée. Photo Robert Gosselin | Le Courrier ©

La propriétaire de Brolem Textiles, Gisèle Brodeur, tirera sa révérence en juillet pour une retraite bien méritée. Photo Robert Gosselin | Le Courrier ©

Après plus de 50 ans à aider les Maskoutaines à réaliser leurs projets de couture les plus fous et à fournir certaines grandes institutions de la région, Gisèle Brodeur laissera sa machine à coudre, son ruban à mesurer et ses 1001 tissus derrière elle et fermera définitivement son entreprise, Brolem Textiles. Elle mettra la clé sous la porte du commerce de la rue Raymond en juillet et mettra le point final à une histoire qui aura perduré pendant 65 ans.

« C’est un deuil. Je suis triste. Ça me fait un pincement au cœur. C’est comme laisser partir mon bébé, mais je vais penser à moi et, comme tout le monde le dit, c’est une retraite bien méritée » , a-t-elle confié au COURRIER.

C’est depuis sa tendre enfance que Gisèle Brodeur foule les planches du magasin. D’abord connu sous le nom Coupons Jacqueline, le commerce situé sur la rue des Cascades avait été mis sur pied par sa mère Léonne Lépine et sa sœur Jacqueline Brodeur.

« À l’époque, il n’y avait pas de garderie, alors nos parents devaient nous traîner partout. Ma tête arrivait à peine à la hauteur du comptoir où je mesurais des élastiques. Les clientes me disaient de ne pas trop tirer dessus pour avoir la bonne mesure », raconte-t-elle en riant de bon cœur.

En grandissant, elle a continué à y travailler les fins de semaine, puis elle a commencé à assister sa sœur il y a maintenant 51 ans lorsque l’entreprise a déménagé dans l’ancien entrepôt de leur père, Paul Brodeur, sur la rue Raymond. C’est officiellement il y a 38 ans qu’elle a repris le flambeau en rachetant l’entreprise de sa sœur et en la renommant Brolem pour Brodeur et Lemoine, le nom de famille de son mari. « Ce qui va me manquer le plus, c’est quand les représentants arrivent avec tous leurs tissus. J’aime toujours autant les sentir et les regarder », confie-t-elle avec émotions.

Mme Brodeur se dit particulièrement impressionnée par la qualité des motifs réalisés à l’ordinateur plutôt qu’à la main comme auparavant et par l’éclat des couleurs. Le commerce, qui est en fait un trois en un avec ses tissus pour les rideaux, les vêtements et le rembourrage, a d’ailleurs toujours voulu offrir des produits de qualité. « On ne veut pas que les clientes mettent beaucoup d’argent et de temps à coudre et qu’une fois le vêtement lavé, il ne fasse plus », explique-t-elle. En 50 ans, note-t-elle, les prix ont bondi de 0,99 $ à 25 $ le mètre pour le même tissu.

Néanmoins, la propriétaire avait toujours des tissus et des solutions pour tous les budgets. « Le service à la clientèle et l’honnêteté sont la force de notre commerce. J’aime beaucoup conseiller. Plus c’est complexe, plus ça me passionne. Je fais comme si c’était pour moi. Quand je magasinais un tissu, je pensais déjà à la cliente à qui j’allais le vendre. »

Parmi les anecdotes qui ont marqué son parcours, elle a déjà passé six mois à chercher une toile sur laquelle les employés de l’ancienne usine Damafro pourraient faire couler le fromage. Elle a aussi réussi à cacher un mur non fini du Centre de congrès à la demande de la Ville de Saint-Hyacinthe et a fourni plusieurs élastiques et autres produits à la Faculté de médecine vétérinaire.

Incluant sa sœur, le magasin maskoutain aura vu passer pas moins de quatre générations.

Selon Gisèle Brodeur, il y a encore de la relève en couture. Elle a d’ailleurs même aidé une jeune étudiante universitaire dans le domaine. De plus, les masques en coton pendant la pandémie lui ont valu une énorme file à sa réouverture et plusieurs commandes. Depuis cinq ans, elle s’adapte à la demande dans le domaine, par exemple aux nouvelles tendances écologiques comme les couches lavables et les emballages de repas écologiques.

Même si elle n’y croit plus tellement, elle aurait bien aimé passer le flambeau et céder sa boutique. « J’espère encore que deux ou trois entrepreneurs se mettront ensemble pour racheter, mais c’est beaucoup de gestion. Je ne sais pas s’ils arriveraient à gérer la boutique encore en trois en un et à offrir le même service que nous. J’aimerais simplement que le nom perdure. C’est un bon magasin. J’y ai vécu une belle vie », déclare-t-elle.

« Nous sommes les seuls en ville à offrir ce service. Alors, si l’entreprise n’est pas rachetée, les clientes devront aller plus loin, alors que j’ai toujours prôné l’achat local », conclut-elle.

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