Depuis presque 20 ans déjà, ceci explique pourquoi je me sens à la fois aussi privilégié d’avoir été favorisé par la vie et également habité par un sentiment de culpabilité. Et cela explique aussi assurément pourquoi l’histoire de Mélanie St-Pierre et de sa fille Doranne est venue autant me chercher.
Nous vous avons raconté l’histoire de Mme St-Pierre et de sa fille dans notre édition du 19 juin. Mme St-Pierre signait la lettre ouverte « Pas de répit pour Mélanie… et les autres! » Elle nous a aussi accordé une entrevue dans laquelle elle racontait les circonstances entourant l’exclusion de sa fille des camps de jour de la Ville de Saint-Hyacinthe ainsi que l’absence de ressources adaptées et de soutien à l’année aux parents d’enfants polyhandicapés.
Elle ne cherchait pas tant à dénoncer et encore moins à faire pitié, mais surtout à mettre en lumière et à sensibiliser un maximum de gens à cette cause. Celle des trop souvent laissés pour compte. Ce que je retiens de son cri du cœur, c’est qu’elle et peur-être six autres familles maskoutaines ont dû chercher une solution à un problème qui n’existait tout simplement pas l’an dernier.
L’été dernier et les trois étés précédents, Doranne avait pu participer au programme d’accompagnement et d’intégration en camp de jour mis sur pied par la Ville de Saint-Hyacinthe au Centre culturel Humania, le bien nommé. Sorte de camp spécialisé, elle y trouvait tout l’encadrement nécessaire à sa condition ainsi que des amis. Mais la Ville a décidé de revoir ce programme cette année en réintégrant les enfants ayant des besoins particuliers dans les camps de jour réguliers dans les quartiers.
Deux critères étaient mis de l’avant pour qualifier les enfants handicapés : leur intérêt et leur capacité à participer activement à la majorité des activités régulières ainsi que leur capacité à respecter les règles du code de vie. Pour un souci d’intégration, la Ville en a mis à l’écart sept qui ne cochaient pas toutes les cases.
Pas par manque de main-d’œuvre ou d’argent, du moins cela n’a pas été mentionné, mais parce que les critères n’ont pas été remplis. Accepter Doranne et les autres enfants aurait-il été possible avec des accommodements raisonnables? Je l’ignore. Mais je retiens que quelqu’un quelque part a jugé que leur participation au camp représentait une contrainte excessive pour la Ville.
À tort ou à raison. Non, je n’ai pas reçu à ce jour de lettre ouverte offrant compréhension, solutions ou alternatives à Mme St-Pierre. J’ai cependant en archives des communiqués de la Ville de Saint- Hyacinthe dans lesquels elle vante l’installation d’une chaise des générations rappelant aux élus l’importance de prendre en compte les besoins des générations futures dans leurs décisions ou encore où elle invite les médias à assister à une marche exploratoire visant à mettre en lumière les défis que vivent au quotidien des personnes en situation de handicap.
J’ai aussi sous les yeux cet autre communiqué envoyé l’an dernier pour annoncer les modalités du budget participatif 2024. « Soucieuse d’offrir une ville adaptée aux besoins de tous les citoyens, Saint- Hyacinthe lance son volet accessibilité, qui offrira la possibilité aux Maskoutains vivant avec un handicap ou à un proche aidant de participer au monde municipal en déposant des idées. »
Grâce à cette initiative, la Ville s’est réjouie de l’ajout d’une rampe et d’escaliers chauffants au Carrefour des groupes populaires. Oui, il a fallu organiser un concours populaire pour installer une rampe d’accès sur un édifice public et on s’en est même félicité haut et fort!
Pour ma part, je trouve cela assez gênant merci. Mais à bien y penser, c’est beaucoup moins odieux que de pénaliser des enfants handicapés qui ne cochent pas les bonnes cases.