9 février 2023 - 07:00
Cooke-Sasseville à Expression : exposition double
Par: Maxime Prévost Durand
Le duo d’artistes formé de Pierre Sasseville et de Jean-François Cooke est de retour à Expression avec une installation inédite et une exposition qui retrace ses dernières années de travail. Photo François Larivière | Le Courrier ©

Le duo d’artistes formé de Pierre Sasseville et de Jean-François Cooke est de retour à Expression avec une installation inédite et une exposition qui retrace ses dernières années de travail. Photo François Larivière | Le Courrier ©

Le duo d’artistes Cooke-Sasseville voit double dans le cadre de l’exposition qu’il présente à Expression depuis le 28 janvier. D’une part, l’œuvre installative monumentale État mortifère fait figure d’exposition en elle-même dans la première section de la salle. D’autre part, à l’arrière, l’exposition Les deux pieds dans le patrimoine retrace une partie du travail du tandem, qui laisse parler son humour noir dans son art depuis plus de 20 ans.

Au premier coup d’œil, les œuvres de Jean-François Cooke et de Pierre Sasseville ont un côté ludique avec toutes leurs couleurs, leur esthétisme quasi léché et leur touche cartoonesque. Pourtant, les sculptures ont aussi leur côté glauque et amènent à réfléchir sur des thèmes sérieux. L’art du duo comporte plusieurs niveaux de lecture, selon l’interprétation que l’on veut bien lui donner.

« Ce sont des comiques dans l’âme, il faut le dire, mais ce sont aussi des esprits fins qui vont apporter des réflexions sur notre rapport à la violence et sur le statut de l’artiste dans la société québécoise, notamment », raconte Ève De Garie-Lamanque, qui a agi comme commissaire pour Les deux pieds dans le patrimoine.

Dans la salle, un canon remplacé par un doigt d’honneur côtoie un arbre dont le fruit a été troqué au profit de bâtons de dynamite. Plus loin, la sculpture d’un crâne est traversée par des balles de fusil, dont on peut imaginer la trajectoire des munitions au ralenti, puis des « tranches de chevreuil » sont posées au mur avec des coulisses rouges qui évoquent le sang. Malgré la lourdeur que la scène peut évoquer, on ne la ressent pas. L’utilisation de codes que l’on retrouve, entre autres, dans l’univers du cartoon apporte une certaine légèreté à ces œuvres.

« La violence et l’armement sont présents dans le travail de Cooke-Sasseville. On voit qu’il y a l’idée du sang et de la blessure, mais ce n’est pas une blessure qui fait mal. C’est une blessure qui est conceptuelle », analyse Mme De Garie-Lamanque.

Le même esprit se dégage d’État mortifère, la gigantesque installation dans laquelle le visiteur est plongé à son arrivée. Évoquant à la fois le fond de la mer, la morgue et le bureau, l’œuvre amène à créer sa propre narration, même si certaines pistes sont suggérées d’entrée de jeu.

Au plafond, des pieds sont attachés par des chaînes et tirés vers le sol par des blocs de béton disproportionnés, comme si on voulait se débarrasser d’un corps, puis des portes de tiroir font penser à celles d’une morgue. « Il y a aussi l’idée du plafond suspendu qui rappelle le bureau ou l’ennui du lieu de travail avec l’éclairage au néon », affirme Pierre Sasseville.

Dans la seconde partie de l’installation, des « requins » sont suspendus et pointent en direction de ce fond de mer créé par le duo, pouvant laisser croire à une attaque vers des humains. Sauf qu’au lieu de se montrer menaçants, les animaux prennent plutôt les couleurs de poissons d’aquarium au look sympathique. « Au fond, ce sont des prédateurs déguisés en proie, poursuit l’artiste. On pourrait faire une métaphore du capitalisme ici ou soulever l’idée d’empêcher quelqu’un de s’épanouir. On peut aussi le voir comme un prédateur qui se fait passer pour ton ami. »

État mortifère avait été présentée une première fois au Musée régional de Rimouski l’an dernier, tout comme Les deux pieds dans le patrimoine. Dans les deux cas, une version remaniée est proposée par Cooke-Sasseville pour son passage à Expression, où le duo expose pour une troisième fois en carrière. Le centre d’exposition de Saint-Hyacinthe avait d’ailleurs été l’un des premiers endroits au Québec à leur permettre de partager leur art, en 2002, dans le cadre d’une exposition collective.

La double exposition de Cooke-Sasseville se tient à Expression jusqu’au 23 avril. Chaque samedi, à 13 h 30, une visite commentée est offerte gratuitement en compagnie d’un médiateur culturel. Il est aussi possible de visiter librement l’exposition du mardi au dimanche.

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