27 avril 2023 - 07:00
En multipliant les acquisitions depuis deux ans
Deux investisseurs prennent d’assaut le centre-ville
Par: Sarah-Eve Charland
Philippe Foisy et Gabriel Lachance-Foisy, les fondateurs de Beatimo - Capital. Photo capture d’écran�

Philippe Foisy et Gabriel Lachance-Foisy, les fondateurs de Beatimo - Capital. Photo capture d’écran

Ayant effectué une trentaine d’acquisitions au centre-ville de Saint-Hyacinthe dans les deux dernières années, deux entrepreneurs deviennent des acteurs majeurs dans le paysage immobilier maskoutain. Du côté de la Ville, on assure vouloir éviter un embourgeoisement du secteur. Du côté du milieu communautaire, on est loin d’être convaincu des vertus de cette revitalisation qui s’annonce.

LE COURRIER a répertorié pas moins de 29 transactions d’immeubles au centre-ville depuis décembre 2021 associées aux deux investisseurs de la Rive-Sud. Les transactions varient entre 200 000 $ et 1,5 M$, parfois en incluant deux immeubles. Cela regroupe au minimum 78 unités de logement.

Sur les réseaux sociaux, Philippe Foisy, de Brossard, se présente comme un ancien actuaire ayant changé de carrière il y a environ deux ans pour se lancer dans l’entrepreneuriat avec son frère Gabriel Lachance-Foisy, de Marieville. Ils ont fondé l’entreprise Beatimo – Capital, une entreprise d’exploitation de bâtiments résidentiels et de logements. Philippe Foisy a aussi fondé Beatimo – Services conseils, qui offre des consultations en actuariat.

Les deux se présentent comme des marchands de bonheur, nom d’ailleurs donné à leur podcast sur l’entrepreneuriat. Sur les réseaux sociaux, ils font souvent une corrélation entre la création de valeur et le bonheur. Philippe Foisy donne aussi des cours au Collège MREX, une entreprise privée offrant des formations sur l’investissement immobilier.

Dans une publication datée du 1er janvier sur les réseaux sociaux, M. Foisy parle des projets qui vont se concrétiser en 2023. Sans préciser qu’il s’agit de Saint-Hyacinthe, il souligne que l’entreprise a fait des acquisitions massives afin de revitaliser un centre-ville en entier et qu’il a des plans de construction pour entre 200 et 300 unités à faire approuver.

Ils font également souvent référence au programme APH Select de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) qui consiste à utiliser un système de pointage pour déterminer des incitatifs financiers basés sur l’abordabilité, l’efficacité énergétique et l’accessibilité d’immeubles.

« Chez Beatimo – Capital, nous avons déjà adapté nos stratégies d’investissement immobilier pour pleinement bénéficier des avantages de ce programme et être encore plus efficace à créer de la valeur et créer du bonheur autour de nous. Nous croyons qu’il y a notamment de très belles opportunités pour bonifier l’offre de logements abordables dans le parc multirésidentiel québécois des années 60 à 90, tout en gardant un bon équilibre au niveau financier pour les investisseurs », peut-on lire sur la page Facebook des investisseurs.

Aux balbutiements

À Saint-Hyacinthe, les entrepreneurs ont rencontré l’administration municipale, mais n’ont pas encore présenté leur vision aux élus. La directrice générale de Saint-Hyacinthe, Chantal Frigon, affirme qu’une présentation officielle devrait être faite auprès des membres du conseil municipal au cours des prochaines semaines.

« Un projet plus concret commence à prendre forme dans l’ensemble des lots dont ils se sont portés acquéreurs. Il sera soumis au conseil dans les prochaines semaines. On va profiter de l’occasion pour qu’ils puissent venir se présenter eux-mêmes au conseil. Ce sont de nouveaux investisseurs dans notre environnement. De ce qu’on a eu comme présentation, ils ont des intentions tout à fait louables qui sont alignées sur nos orientations. Ils sont conscients des enjeux du centre-ville, que ce soit de densification, de non-embourgeoisement, de logements abordables et de bâtiments à valeur patrimoniale. Ça devrait se traduire par un premier projet à court terme », souligne Mme Frigon.

Les entrepreneurs préfèrent atteindre que le projet soit davantage « cristallisé » avant d’accorder une entrevue au COURRIER. Plus de détails devraient être dévoilés d’ici deux mois.

Craintes d’embourgeoisement

Les entrepreneurs commencent toutefois à attirer l’attention dans le milieu communautaire. Le conseiller budgétaire à l’Association coopérative d’économie familiale (ACEF) Montérégie-Est, Roger Lafrance, voit ces acquisitions d’un mauvais œil.

« On ne sait pas ce qui s’en vient. De ce que je comprends, c’est qu’ils achètent des pâtés de maisons. C’est sûr que l’intention doit être d’acquérir, de détruire et de reconstruire. Quand on reconstruit avec les coûts de construction d’aujourd’hui, les promoteurs ne peuvent pas offrir des logements au prix du marché, mais au prix de ce que ça leur a coûté. Pour les locataires, ce seront des coûts difficiles à accepter. Ce sont des bâtisses qui existent depuis longtemps et qui sont donc abordables pour des locataires. Ils conviennent à certaines personnes », mentionne-t-il.

La pénurie de logements n’est plus à prouver et ces acquisitions massives au centre-ville pourraient l’accentuer, craint-il. « Au centre-ville, c’est encore pire. Quelle vision voulons-nous pour notre centre-ville? Est-ce qu’on veut que les personnes qui ont peu de moyens et qui habitent habituellement au centre-ville y vivent? Ou est-ce qu’on veut seulement des personnes avec de grands moyens dans le secteur? C’est un débat qu’on doit avoir. Les personnes ayant peu de moyens doivent vivre quelque part », conclut-il.

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