18 mai 2023 - 07:00
Investissements au centre-ville : l’inquiétude plane
Par: Zineb Guennoun | Journaliste de l'Initiative de journalisme local
Le conseiller du district Cascades, Jeannot Caron, a été surpris de l’ampleur des acquisitions par les frères Foisy et souhaite surtout qu’une mixité sociale soit conservée dans le quartier. Photothèque | Le Courrier ©

Le conseiller du district Cascades, Jeannot Caron, a été surpris de l’ampleur des acquisitions par les frères Foisy et souhaite surtout qu’une mixité sociale soit conservée dans le quartier. Photothèque | Le Courrier ©

Dans les deux dernières années, Philippe Foisy et Gabriel Lachance-Foisy, deux entrepreneurs immobiliers, ont mis la main sur une trentaine d’immeubles au centre-ville de Saint-Hyacinthe. Face à ces nouvelles acquisitions, les réactions se multiplient et les avis divergent tant au niveau de la Ville qu’au niveau communautaire.

André Beauregard, maire de la Ville de Saint-Hyacinthe, se dit surpris du nombre d’acquisitions faites par les frères Foisy. « C’est sûr que c’est un peu inquiétant pour les loyers à coût abordable, mais d’un autre côté, il y a peut-être des endroits là-dedans qui ont besoin d’amour, besoin de rénovation. […] Les promoteurs pourraient démolir et reconstruire avec du logement abordable », a-t-il déclaré.

Il souligne également que le logement abordable, c’est une nécessité au centre-ville et que tout dépend des intentions des deux investisseurs. D’après lui, il va falloir trouver un certain équilibre une fois le projet des deux frères Foisy exposé au grand jour. Il espère aussi que ces nouveaux investissements n’accentueront pas la pénurie de logements que connaît déjà Saint-Hyacinthe. La solution serait de travailler de concert avec la Ville et les différents organismes communautaires pour améliorer la situation et non l’empirer.

M. Beauregard assure cependant que la moyenne des logements vacants à Saint-Hyacinthe a remonté au cours de ces deux dernières années. « On était à 0,4 %, on est maintenant proche de 2 % de logements vacants […], mais il y en a certains qui sont dispendieux parce qu’il y a eu beaucoup de constructions dans les deux dernières années. » Il n’exclut pas la crainte d’embourgeoisement, mais mise sur la mixité de la clientèle. Selon lui, l’embourgeoisement du centre-ville n’est pas le but de la Ville ni du conseil municipal. « On travaille très fort depuis plusieurs années pour améliorer notre centre-ville. On a acheté plusieurs résidences qu’on a cédées à Habitations Maska qui les gèrent. C’est du loyer abordable », a-t-il ajouté.

Une enveloppe dédiée au logement social

Depuis cette année, une enveloppe estimée à 800 000 $ est dédiée au logement social à Saint-Hyacinthe. « On a mis beaucoup d’argent dans les dernières années pour construire du logement social. C’est un dossier qui nous tient à cœur et sur lequel on veut travailler fort », a indiqué M. Beauregard.

Le projet des fondateurs de Beatimo – Capital n’a pas encore été présenté de manière officielle aux élus. M. Beauregard affirme qu’une fois la nature du projet dévoilée, les visions seront partagées et discutées. Les enjeux sont multiples, plusieurs étapes sont à prévoir avant toute action. « Il faut toujours garder en tête le logement abordable à l’intérieur de ce qui va être reconstruit », a-t-il conclu.

L’importance de la mixité

Jeannot Caron, conseiller municipal du district Cascades, s’est étonné lui aussi du nombre d’immeubles achetés par les frères Foisy. Il précise qu’il était au courant de certaines transactions, mais pas d’autant d’acquisitions par le même investisseur. M. Caron affirme qu’il ne connaît pas l’intention réelle de ces promoteurs.

Selon lui, il faut porter une attention particulière aux personnes habitant le centre-ville et il souligne que le conseil est conscient de cette situation. Des demandes ont été faites auprès de la direction générale pour trouver des pistes de solution. « C’est sûr qu’il y a toujours une crainte d’embourgeoisement, mais il faut faire en sorte qu’on mette les choses en place pour qu’il y ait une mixité au centre-ville et c’est ça le but de la densification au centre-ville. Ceux qui l’habitent continuent à l’habiter et qu’on amène de nouveaux résidents au centre-ville. Trouver la formule pour faire en sorte que les gens qui l’habitent puissent continuer à l’habiter à prix abordable. La mixité, c’est vraiment important », mentionne-t-il.

Il précise également que pour atteindre les objectifs de l’ensemble du conseil, il faut de la densification et de la mixité au centre-ville, et ce, à prix abordable. Le conseiller municipal se montre optimiste qu’une solution sera trouvée. « On a une administration qui est assez créative pour nous trouver des pistes de solution qui vont être viables pour tout le monde. Trouver un équilibre pour que tout le monde puisse trouver sa place. »

Beaucoup de questionnements

Marijo Demers, cheffe du parti politique Saint-Hyacinthe unie, explique que l’inquiétude s’installe quand il y a une concentration d’achats. « Une trentaine d’acquisitions, c’est sûr que ça éveille normalement l’œil des autorités municipales. Est-ce que le conseil municipal est à l’aise […] à ce qu’un même joueur acquiert autant d’immeubles? », s’est-elle questionnée.

Selon elle, la volonté de la Ville, c’est la densification du centre-ville. Si on va dans ce sens, c’est la démolition. « Cette nouvelle-là amène beaucoup d’interrogations auxquelles la Ville n’a aucune réponse publique », a-t-elle soutenu.

À titre de cheffe de Saint-Hyacinthe Unie, Mme Demers se demande si Beatimo – Capital se voit comme un nouveau joueur chez nous dans le développement du logement social et abordable. À l’heure actuelle, Marijo Demers trouve qu’il y a beaucoup plus de questions que de réponses et elle aimerait que le conseil soit un peu plus transparent à ce sujet.

Elle met en évidence qu’il est encore un peu tôt pour se prononcer sur quoi que ce soit. « Tant qu’on n’a pas la vision des promoteurs, on ne peut pas trancher là-dessus. »

Elle ajoute que la crainte d’embourgeoisement peut être présente et qu’il faut penser aux gens qui habitent au centre-ville. « Où seront-ils déplacés? », se demande-t-elle.

La cheffe du parti suggère au conseil de suivre le modèle de Longueuil qui a adopté un règlement en 2021 afin de protéger le patrimoine modeste. « [Cet encadrement sur la démolition] permet d’avoir une offre locative à meilleur coût et de ne pas nécessairement passer tout le bulldozer là-dessus. Ce règlement pourrait s’appliquer chez nous pour faire en sorte qu’on ne démolisse pas complètement tout un parc immobilier locatif qui correspond aux critères et aux revenus de certains qui doivent continuer à se loger dans un marché toujours en augmentation », a-t-elle exprimé.

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