26 mai 2022 - 07:00
Aéroport de Saint-Hyacinthe
La bonne affaire
Par: Le Courrier
Martin Bourrassa

Martin Bourrassa


Voici comment l’ex-maire Claude Corbeil avait motivé la décision de ne pas engager la Ville de Saint-Hyacinthe sur la voie de la municipalisation de l’aéroport. « On a fait le tour de la question. On gère de l’argent public. J’ai une responsabilité comme élu de m’assurer que les investissements sont profitables. À ce niveau-là, on n’avait pas la certitude. »

La décision prise par l’ancien conseil avait été unanime. « Cette décision a été difficile, avait ajouté M. Corbeil, mais elle a été prise dans l’intérêt de nos citoyens. Je suis toujours convaincu que l’aéroport a sa raison d’être et un potentiel intéressant de développement économique, mais, dans le contexte actuel, son avenir ne passe pas, du moins pour l’heure, par sa municipalisation. » Fin de l’histoire? Pas vraiment. Plutôt le début.

Un organisme à but non lucratif a rapidement été formé autour d’une poignée de gens d’affaires et d’amateurs d’aviation pour faire l’acquisition de l’aéroport pour 835 000 $, avec le support financier plein et entier de la Municipalité. La Ville s’est engagée à le soutenir pendant au moins 20 ans, une dépense évaluée à plus de 2 M$ sur cette période.

Et voilà qu’on vient d’apprendre que l’OBNL pourra profiter d’une subvention gouvernementale pouvant atteindre 3,7 M$ dans la mesure où le milieu sera capable d’en investir autant. Et comme la Ville s’était déjà engagée à assumer les dépenses non couvertes par la subvention en cas de réfection, il y a tout lieu de croire qu’elle s’engagera pour 3,7 M$ à son tour, ce qui pavera la voie à une réfection des installations de 7,4 M$. Le tout, sans contribution financière de l’OBNL et sans que l’on passe le chapeau parmi le milieu d’affaires. Cette façon de faire, je vous en parlais la semaine dernière, n’est bonne chez nous que pour la chose culturelle.

À noter que pour la somme de 7,4 M$, la piste sera refaite et élargie, mais pas allongée, ce qui est impossible. Cela limitera d’autant son utilité. Mais tout le monde est heureux, d’autant plus que l’aéroport ne sera plus privé, mais plutôt public. Il ne sera plus nécessaire de s’annoncer pour pouvoir s’y poser en toute quiétude. Ça donne soudainement envie de s’acheter un Cessna!

Faites le calcul de la facture de la Ville et ça commence à faire pas mal comme contribution municipale à un équipement qui ne l’est pas, municipal. Encore heureux!

Le maire André Beauregard, qui n’a pas toujours été un chaud partisan de la municipalisation, est tout heureux de la tournure des choses et de l’implication bénévole de l’OBNL.

Celle-ci permet à la Ville de profiter de la présence d’un aéroport revampé sans avoir à s’occuper de le gérer. Elle délègue volontiers cette responsabilité aux bénévoles de l’OBNL et se targue de sauver ainsi bien du trouble et de l’argent. Cette délégation de pouvoirs est pourtant bien curieuse et à la limite inquiétante. Sans douter des compétences, de l’expertise et de la bonne volonté des administrateurs du nouvel organisme, il est quand même particulier de faire reposer tout le succès et le développement futur d’une entreprise sur l’apport bénévole de ses membres. En matière de bonne gouvernance et d’imputabilité en cas de pépins ou de divergences, on a vu mieux et il y a certainement des questions à se poser. Et encore davantage quand on sort son chéquier pour financer des travaux d’envergure. Les dépenses et l’octroi de contrats pour le chantier de l’aéroport ne sont pas partis pour être sur le radar des autorités municipales. Mais pas question de s’en formaliser pour autant. La Ville s’est assurée d’un accès annuel aux livres et d’un droit de regard aux réunions du conseil d’administration.

Pour la poutine et tout le reste, la Ville de Saint-Hyacinthe passe en mode pilote automatique et laissera les bénévoles manœuvrer à leur guise tant et aussi longtemps qu’il n’y aura pas de turbulences. Attachez votre ceinture, mais desserrez les cordons de votre bourse!

image