9 mars 2023 - 07:00
La région maskoutaine tourne la page sur le gaz de schiste
Par: Le Courrier
Les puits d’exploitation de gaz de schiste dans quatre municipalités de la MRC des Maskoutains sont définitivement fermés. Photothèque | Le Courrier ©

Les puits d’exploitation de gaz de schiste dans quatre municipalités de la MRC des Maskoutains sont définitivement fermés. Photothèque | Le Courrier ©

Après une quinzaine d’années, les 12 puits de gaz de schiste du territoire maskoutain ont vu leur sort être discrètement scellé.

C’est à la suite d’une demande de la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ) que le tout s’est concrétisé. La demande visait la fermeture et la restauration des puits, ce que la MRC des Maskoutains a fait en adoptant une résolution le 23 novembre dernier. La décision a été confirmée par la CPTAQ le 17 janvier. Les puits se trouvent à Saint-Hyacinthe, à Saint-Simon, à Saint-Barnabé-Sud et à La Présentation.

Le geste de la CPTAQ est une conséquence directe de la nouvelle loi adoptée par le gouvernement québécois interdisant la recherche et la production d’hydrocarbures et entrée en vigueur en août 2022, explique le directeur général de la MRC des Maskoutains, André Charron. « C’était la grosse mode à l’époque quand je suis entré en fonction, mais il n’y avait pas d’acceptabilité sociale pour ce genre d’exploitation. On est passé à autre chose. »

Canbriam tire définitivement sa révérence

La société pétrolière albertaine Canbriam Energy, qui a exploité au total trois puits, soit un à La Présentation, un à Saint-Hyacinthe et un autre à Saint- Barnabé-Sud, s’est pliée sans rechigner à la décision.

L’entreprise avait cessé depuis plusieurs années ses activités. Elle avait foré et exploré les puits de 2009 à 2013 sans en tirer de gaz de schiste. Elle avait émis le souhait en 2019 de fermer ses puits et de réaménager les sites, mais « diverses considérations administratives et un manque de communication ont fait en sorte que ce n’est que récemment que l’affaire est revenue en surface », peut-on lire dans la décision de la CPTAQ, publiée en novembre 2022.

Une demande de prolongation d’accès aux sites avait été déposée par Canbriam en 2013 et en 2014, mais la CPTAQ avait suspendu le traitement de ces dossiers « en raison des études et consultations tenues par le gouvernement du Québec à propos des projets impliquant la recherche et l’exploitation de gaz naturel ».

Un rapport de force défavorable aux municipalités

La fermeture des puits a été bien accueillie à la Municipalité de Saint- Barnabé-Sud. « Oui, on peut dire qu’on est soulagés. On était plutôt des figurants à Saint-Barnabé puisque Canbriam avait un permis d’exploration, appelé un claim minier, ce qui dépasse la législation municipale. On ne pouvait s’opposer à ça », explique l’inspecteur en bâtiment de la Municipalité, Raymond Lessard.

M. Lessard rappelle que les gaz de schiste étaient peu connus en 2008. La fracturation hydraulique dans le schiste pour en puiser du gaz suscitait beaucoup d’inquiétudes, notamment sur la contamination des nappes phréatiques. Les villes se retrouvaient toutefois impuissantes. Elles ne pouvaient interdire cette activité en raison des accords donnés par la CPTAQ qui avaient force de loi.

Saint-Barnabé-Sud n’a par ailleurs rien à redire contre Canbriam durant les années que l’entreprise a été active sur le territoire. La Municipalité lui avait demandé en 2008 de s’engager à dédommager la ville en cas de bris des infrastructures, ce à quoi elle avait obtempéré.

« Tout le monde est heureux de ça [la fermeture des puits]. On est contents de voir que cette histoire retourne aux oubliettes, où elle aurait dû rester », déclare M. Lessard.

Pas tout à fait la fin

Il reste toutefois un legs de cette histoire. Un des puits de Saint-Barnabé-Sud et un autre de La Présentation feront l’objet d’une surveillance. Trois puits d’observation seront installés à chacun d’eux afin de vérifier la qualité de l’eau souterraine pour une durée maximale de dix ans.

Gérard Montpetit, un citoyen impliqué de longue date dans ces dossiers, est satisfait également du dénouement et de la décision de la CPTAQ de veiller aux puits fermés. Bien que du gaz n’ait pas été puisé dans les puits, quatre d’entre eux ont été forés et fracturés.

« La fracturation continue à migrer par la roche pour l’éternité. Le gaz pris entre les fractures continue à se déplacer à une vitesse hyper lente, mais la pression augmente dans le puits. Que la CPTAQ s’en occupe pour dix ans, c’est bien, mais c’est sur 10 000 ans qu’on devrait le faire », soutient celui qui est également membre du Comité des citoyens et citoyennes pour la protection de l’environnement maskoutain. Les gaz à effet de serre de ces puits seraient 86 fois plus nocifs que le gaz carbonique.

M. Montpetit rappelle qu’un puits de Lone Pines Ressources situé sur le territoire maskoutain a fui en 2011. Il doute d’ailleurs du suivi opéré auprès des puits abandonnés. Un reportage de Radio-Canada en 2018 indiquait que des puits étaient déclarés conformes, alors qu’ils n’avaient pas été retrouvés par des inspecteurs du ministère des Ressources naturelles et des Forêts. La province compterait 950 puits gaziers forés depuis 1860, dont plusieurs en Montérégie.

 

Par Céline Normandin

image