6 avril 2023 - 07:00
La visite du prince de Galles
Par: Le Courrier
Sa Majesté Édouard VII. Photo collection du Centre d’histoire de Saint-Hyacinthe, Fonds CH001

Sa Majesté Édouard VII. Photo collection du Centre d’histoire de Saint-Hyacinthe, Fonds CH001

Le jeudi 30 août 1860, Saint-Hyacinthe est en émoi! Le prince Albert-Édouard de Galles, fils aîné de la reine Victoria et héritier du trône d’Angleterre, qui a régné sous le nom d’Édouard VII du 22 janvier 1901 au 6 mai 1910, est à Saint-Hyacinthe!

Pour l’occasion, deux arcs de triomphe ont été érigés, l’un sur la rue Laframboise et l’autre sur la rue Girouard. Les deux constructions ont une hauteur de quarante pieds et sont recouvertes l’une de verdure et de drapeaux, l’autre de fruits et de légumes pour représenter la vocation agricole de la ville.

Le prince arrive à la gare de Saint- Hyacinthe à 11 heures précises. Il est accueilli par le maire Maurice Laframboise et tous les membres du conseil. Le cortège se met alors en branle et emprunte les rues Laframboise et Girouard, au son de la musique et des hourras, pour se rendre jusqu’au Séminaire. Une foule nombreuse est massée le long du parcours et acclame le prince qui répond en portant légèrement la main à son chapeau. L’événement est de taille. Jamais encore un héritier du trône britannique n’était venu à Saint- Hyacinthe. Il faudra attendre 1951 avant que cela ne se reproduise. Il s’agira alors de l’arrière-petite-fille du roi Édouard VII, la princesse Elizabeth, qui régnera sous le nom d’Elizabeth II.

Revenons à la visite royale de 1860. Un autre petit arc, plus modeste, est érigé face au Séminaire. Le balcon de la façade de l’établissement est lui aussi orné de fleurs et de drapeaux, tant français qu’anglais. Une grande banderole est installée sur laquelle on peut lire : « Salut à notre Roi futur ». Le supérieur du Séminaire, Mgr Joseph-Sabin Raymond, reçoit le prince et sa suite. On lui fait ensuite visiter le collège. Il monte même dans la coupole, du haut de laquelle on pouvait voir quinze clochers, écrit Mgr Charles-Philippe Choquette dans son Histoire de Saint-Hyacinthe.

Le prince de Galles termine ainsi sa visite de la ville. Mentionnons que le prince est au Canada pour assister, à Montréal, à l’inauguration du pont Victoria, nommé en l’honneur de sa mère. Son périple maskoutain a été un véritable succès. Rien ne vient troubler l’événement… Rien, jusqu’à la parution du Courrier le lendemain…

Le rédacteur raconte parfaitement le déroulement de la visite et prend bien soin de féliciter les organisateurs de la cérémonie qui ont fait un très beau travail. Mais voilà qu’à la fin de son article, il écrit : « Le Prince n’est pas, tant s’en faut, joli garçon dans l’acception ordinaire du mot. Un nez trop long, légèrement courbé, des yeux d’un bleu pâle sans éclat, une apparence tout à fait juvénile, lui donne un caractère d’insignifiance assez prononcée. Sa démarche est quelque peu gracieuse. Somme toute, nous nous attendions à quelque chose de mieux. »

Ces commentaires désobligeants soulèvent les passions. L’article n’est pas signé, mais Mgr Choquette soupçonne fortement qu’il est de Raphaël-Ernest Fontaine, jeune étudiant en droit à qui il a enseigné et dont il reconnaît le style pince-sans-rire. Devant le tollé soulevé par le passage cité plus haut, Le Courrier s’excusa dans son édition de la semaine suivante, reconnaissant le caractère peu convenable de ces propos. Malgré ce mea-culpa, la population ne décolère pas et l’affaire se termine par la décision du fondateur et éditeur du Courrier, Pierre-Joseph Guitté, de quitter le journal. Après son départ, Le Courrier devient conservateur et Guitté, regrettant qu’il n’y ait plus de feuille libérale à Saint-Hyacinthe, fonde un nouveau journal : Le journal de Saint-Hyacinthe.

 

Martin Ostiguy, membre du Centre d’histoire de Saint-Hyacinthe

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