16 octobre 2014 - 00:00
Le quatrième pouvoir
Par: Le Courrier

J’ose espérer que l’éditeur du journal Le Courrier de Saint-Hyacinthe, Benoit Chartier, va se prononcer contre la motion de la CAQ. S’il ne le fait pas, il se condamne, comme propriétaire de journal régional, à ne pas pouvoir représenter ses concitoyens à l’Assemblée nationale. Pire, il se trouve à répudier, à titre posthume, son grand-père Ernest qui fut député tout en possédant Le Courrier; ok, je pousse un peu.

De quoi est-il question ici? Du fonds de la question? Non. Il est question d’écarter un adversaire qui pourrait mettre à mal les autres partis. Pourtant, l’expérience de la dernière élection tendrait à démontrer que loin d’être le bon coup que Mme Marois espérait, l’arrivée de Pierre-Karl Péladeau a probablement fait fuir des électeurs et possiblement coûté l’élection au PQ. Alors, si le peuple a toujours raison en démocratie, on pourrait le laisser juge de qui il veut, sans ajouter de règles.

Mais quel serait le fonds de la question? Le rôle de la presse, sous toutes ses formes, n’est pas défini par la Constitution, mais on a tendance à le considérer comme le quatrième pouvoir. La motion va plus loin en parlant d’entreprise médiatique, mais passons; tout le monde sait que ce n’est pas le propriétaire du 7 jours qui est visé. En fait, on ne nomme pas M. Péladeau; on parle de tout propriétaire… Hypocrisie.

On craint qu’il n’influence les pions journalistes et chroniqueurs de ses entreprises de presse. Selon ses dires et selon les témoignages, il ne l’a jamais fait et s’engage à ne pas le faire. On rétorque que ce n’est pas suffisant car tous ces employés craindraient son retour et sa vindicte si l’un ou l’autre avait osé critiquer ses positions.

Est-ce qu’on critique l’actionnariat dominant de la famille Desmarais dans Gesca, propriétaire de La Presse? Ce n’est pas pareil dira-t-on, les Desmarais ne se présentent pas en politique. Non, mais par leurs fréquentations, ils font du lobby sans le savoir (comme M. Jourdain). Et quand ils choisissent l’éditeur et l’éditorialiste en chef, ils choisissent la politique éditoriale. Ils se réservent même la possibilité d’écrire des éditoriaux, ce qui ne m’apparaît pas incorrect.

Est-ce qu’on critique l’actionnaire de contrôle de Radio-Canada qui lui impose, dans son mandat, de promouvoir l’unité du Canada?

On semble confondre actionnaire de contrôle et actionnaire qui contrôle ou, pis, actionnaire contrôlant. La seule chose que demande M. Péladeau, c’est que le fiduciaire ne vende pas ses actions. Est-ce déraisonnable? La démocratie est-elle en péril si on le lui accorde? Est-ce qu’il sera plus en conflit d’intérêt qu’un médecin (que je ne nommerai pas, lol) qui a accepté une prime de 215 000 $ pour prendre des patients qu’il a abandonné ou, dans certains cas, même pas vus? D’autant plus que l’entente s’était négociée sous sa responsabilité et que le but était de faire accepter quelques patients supplémentaires aux médecins déjà en poste et non à ceux qui entraient ou revenaient à la pratique. Et l’entente prévoyait qu’en cas de remise, le médecin remettrait 50 %; pourquoi? Mais laissons les médecins.

Si, comme le suggère Michel Nadeau, directeur général de l’Institut sur la gouvernance des organisations privées et publiques, PKP acceptait de se retirer des conseils d’administration de ses entreprises en plus de placer ses actions dans une fiducie sans droit de regard, ce serait déjà acceptable. Je ne verrais pas d’inconvénient à restreindre le pouvoir du fiduciaire concernant la vente des actions de Québécor, ce qui ne l’empêcherait nullement d’en vendre certains actifs.

En plus de l’engagement sur l’honneur de PKP à ne pas intervenir dans le contenu rédactionnel je trouverais bien qu’il s’engage à ne pas le faire non plus pour une période à définir (disons 10 ans, par exemple) après son retrait de la politique. Qu’on assortisse cet engagement d’une pénalité très sérieuse (supérieure à plus de la moitié de 215 000 $), pouvant atteindre plusieurs millions de dollars à être déposés immédiatement auprès de l’Assemblée nationale.

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