29 décembre 2016 - 00:00
Les défis de concilier agriculture avec environnement
Par: Le Courrier
Les terres noires sont plus vulnérables face au vent et à l’eau. Ici, une culture pérenne, le bleuet, a été préférée aux cultures annuelles traditionnelles. En plus d’aider à contrôler les mauvaises herbes, le paillis et les sentiers gazonnés protègent le sol de l’érosion. Crédit : Claire Jutras

Les terres noires sont plus vulnérables face au vent et à l’eau. Ici, une culture pérenne, le bleuet, a été préférée aux cultures annuelles traditionnelles. En plus d’aider à contrôler les mauvaises herbes, le paillis et les sentiers gazonnés protègent le sol de l’érosion. Crédit : Claire Jutras

Les terres noires sont plus vulnérables face au vent et à l’eau. Ici, une culture pérenne, le bleuet, a été préférée aux cultures annuelles traditionnelles. En plus d’aider à contrôler les mauvaises herbes, le paillis et les sentiers gazonnés protègent le sol de l’érosion. Crédit : Claire Jutras

Les terres noires sont plus vulnérables face au vent et à l’eau. Ici, une culture pérenne, le bleuet, a été préférée aux cultures annuelles traditionnelles. En plus d’aider à contrôler les mauvaises herbes, le paillis et les sentiers gazonnés protègent le sol de l’érosion. Crédit : Claire Jutras

En collaboration avec la MRC des Maskoutains, Le Courrier présente une série d’entrevues réalisées avec 16 producteurs agricoles qui, à l’été 2016, ont participé au projet Le photographe est dans le pré. Ces producteurs étaient jumelés à des photographes du Club Photo Saint-Hyacinthe. Par leurs images, ils devaient valoriser le travail de ces agriculteurs, sensibles à la préservation des ressources, qui ont mis en place de bonnes pratiques agroenvironnementales sur leur ferme. Les agriculteurs participants s’impliquent tous bénévolement au sein d’un comité de bassin versant de la MRC. Consultez le site Internet de la MRC pour en savoir plus sur ce projet. 


ette entrevue avec Mario Ravenelle, de Saint-Pie, est la première de la série. Il était jumelé à la photographe Claire Jutras. 

 

Quelles actions avez-vous mises en place sur vos terres pour améliorer la qualité de l’eau des fossés et ruisseaux?

Pour lutter contre les pesticides et autres substances qui nuisent aux cours d’eau, je pense qu’il est beaucoup plus efficace et utile de tenter de réduire leurs impacts en contrôlant leur utilisation plutôt qu’en tentant de les bannir, ce qui pour le moment serait utopique. De mon côté, j’ajoute un agent de fluidité aux semences traitées. Ceci a pour effet de réduire la dispersion des particules toxiques dans l’air. Je pense que cette pratique peut réduire jusqu’aux 2/3 des problèmes causés par la dispersion.

J’ai également profité des programmes de subvention de Prime vert pour faire modifier mon semoir en lui ajoutant un kit de décompression qui diminue encore plus la dispersion des poussières. La subvention était assez minime, mais c’est surtout par conscience environnementale que j’ai posé ces gestes. Selon moi, il est beaucoup plus efficace de mettre en place des mesures d’encouragement et de sensibilisation que d’avoir une approche coercitive. Par exemple, il y a quatre ans à peine, nous avions seulement deux choix avec le soja : le traiter avec des néonicotinoïdes ou pas du tout. Maintenant, grâce aux conseils et encouragements des experts, j’en suis venu comme bien d’autres à pouvoir traiter le soja seulement avec des fongicides.

Comment les pratiques agroenvironnementales mises en œuvre sur vos terres ont-elles contribué à améliorer la diversité de la faune et de la flore? 

D’abord, j’ai établi sur mes terres des bandes riveraines qui sont plus que réglementaires. En effet, j’ai entrepris de les élargir à plusieurs endroits. Aussi, dans certains espaces, j’ai planté en alternance des sureaux et des argousiers qui poussent sur des bandes engazonnées. J’en retire un avantage supplémentaire puisque je peux vendre ces petits fruits. À d’autres endroits, j’ai laissé des bandes herbacées que je fauche une seule fois à l’automne. Ça aide au maintien des pollinisateurs indigènes et à la biodiversité en général puisque je tolère et même favorise des plantes à fleurs sauvages telles que les verges d’or et autres herbacées indigènes. Ça crée un milieu de vie plus diversifié, plus naturel et je suis assez content du résultat. En plus des bandes riveraines mieux équilibrées au niveau de la biodiversité, je pourrais aussi adopter des solutions alternatives pour un meilleur équilibre. C’est quelque chose qui pourrait être envisagé dans un futur proche.

Comment voyez-vous la collaboration entre les différents groupes d’intervenants du secteur agricole? 

Dans le milieu agricole, on se rend de plus en plus compte que tout est relié et que nous sommes tous solidaires les uns des autres. Ce qu’un agriculteur fait sur sa terre affecte le voisin et toute la collectivité. Par exemple, j’ai une bleuetière. Je produis des légumes. J’ai besoin des pollinisateurs pour ma production. Mais la pollinisation dont nous avons besoin pour la rentabilité de nos cultures, et en particulier les cultures de petits fruits, est devenue une pollinisation industrielle. Si de mon côté, je peux aider les pollinisateurs avec la qualité rajoutée aux bandes riveraines, tout le monde est gagnant.

Ces dernières années, nous avons été entraînés dans des modèles de production trop individualistes et plusieurs commencent à se réveiller quant aux impacts que ces modèles ont sur la qualité de notre environnement et sur l’ensemble de la collectivité, et ce, dans plusieurs aspects de nos vies. L’agriculture moderne est plus productive c’est certain, cependant cela s’accompagne aussi d’impacts négatifs. On peut comparer cela avec le réseau routier : sur les routes, les voitures roulent plus vite, il y a donc plus d’accidents et ceux-ci sont plus graves qu’avant.

Dans nos sociétés modernes, tout est compartimenté et c’est la même chose en agriculture. Que le producteur agricole soit spécialisé dans le poulet, le porc ou les grandes cultures, on fait tous partie d’une fédération différente et elles sont toutes regroupées dans un même syndicat, l’UPA. Les fédérations ont peu de contact entre elles. Le dialogue est presque absent. Or, les défis que nous posent les problèmes actuels de l’environnement ne pourront pas se régler en silo. Nous sommes passés de petites fermes généralistes qui produisaient tout sur place à des entreprises agricoles extrêmement spécialisées : nous sommes passés d’un extrême à l’autre. Il va falloir un retour de pendule vers des pratiques davantage en harmonie avec l’environnement et la collectivité et pour cela, il faut trouver des solutions globales prises en concertation avec tous les intervenants.

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