20 avril 2023 - 07:00
S’approvisionner à même la rivière
Les villes arrivent à leur limite
Par: Sarah-Eve Charland
Le maire de Saint-Damase, Alain Robert, travaille à réduire la quantité d’eau puisée dans la rivière Yamaska sur son territoire. Photo Robert Gosselin | Le Courrier ©

Le maire de Saint-Damase, Alain Robert, travaille à réduire la quantité d’eau puisée dans la rivière Yamaska sur son territoire. Photo Robert Gosselin | Le Courrier ©

La consommation d’eau croissante inquiète de plus en plus les villes. Dans la région, plusieurs tirent leur eau de la rivière Yamaska avant de la traiter et de la distribuer aux résidents. Se rapprochant du maximum de ce qu’elles peuvent puiser dans la rivière, autant à Saint-Damase qu’à Saint-Hyacinthe, les villes n’ont plus le choix de multiplier les efforts pour réduire la consommation d’eau.

Comptant plus de 2500 habitants, Saint-Damase ne peut pas prélever davantage d’eau dans la rivière Yamaska en raison du débit d’étiage, limitant ainsi son développement. Son certificat d’autorisation du ministère de l’Environnement permet de prélever 7540 mètres cubes par jour, soit l’équivalent de deux piscines olympiques. Bien qu’il reste une marge de manœuvre, les possibilités sont limitées.

« Ça fait déjà un certain temps qu’on commence à parler de l’eau, des rivières. Des municipalités ne peuvent pas agrandir parce qu’elles n’ont pas d’eau. Nous les premiers, on voudrait agrandir, mais on n’a pas l’autorisation d’ouvrir un nouveau quartier. Notre certificat d’autorisation ne nous permet pas de tirer plus d’eau de la rivière. […] En tant que Municipalité, si on pige trop d’eau dans la rivière, on contribue à baisser le niveau de la rivière. On court à notre perte », s’inquiète le maire de Saint-Damase, Alain Robert.

Sur son territoire, les usines d’Olymel et d’Exceldor utilisent 85 % de l’eau traitée par la Municipalité. L’automne dernier, la Municipalité a approché les entreprises afin de les sensibiliser, « mais pas dans l’objectif de développer plus, précise M. Robert ayant lui-même été directeur d’usine chez Olymel pendant 22 ans. Le directeur d’usine regarde sa facture d’eau. Si, à la fin du mois, ça coûte plus cher, il paie et ça finit là. On n’était pas sensibilisés à ça. Je dirais que les entreprises le sont de plus en plus. »

Le porte-parole chez Olymel, Richard Vigneault, affirme que l’entreprise porte une attention particulière sur une utilisation intelligente de la ressource en eau, tout en assurant de garder de hauts standards côté salubrité, depuis plusieurs années. Ayant un comité d’économie d’eau, l’entreprise a mis en place plusieurs mesures de réduction de l’eau comme la récupération d’eau prétraitée dans l’usine pour faire fonctionner les pompes.

« Si on peut faire le même travail avec moins, en gardant la qualité sanitaire, on se doit de le faire. On est bien sensibilisés à l’importance de la ressource en eau et à sa rareté. Cette préoccupation n’est pas venue avec les échanges avec la Municipalité, elle est là depuis longtemps », soutient M. Vigneault.

Exceldor a implanté des outils de mesures afin d’indiquer en temps quasi réel le niveau de consommation d’eau. L’entreprise a installé des réducteurs de débit dans les conduites qui acheminent l’eau aux machines et a imposé des restrictions durant les pauses et les périodes où la production s’arrête. Elle a aussi revu le rendement de certaines machines en matière de consommation d’eau, ramené leur niveau de consommation à celui recommandé par les équipementiers et évité le remplissage inutile des cuves.

« On est très conscients de la situation. On prend tous les moyens pour réduire notre consommation d’eau, même si ce ne sont pas de vraies économies pour l’entreprise. On cherche à réduire notre empreinte environnementale. On fait le même exercice à l’usine de Saint-Anselme. On se demande ce qu’on peut faire à l’interne, même si ce sont de petites mesures », mentionne le porte-parole d’Exceldor, Denis Paquette.

La consommation d’eau de l’usine de Saint-Damase est passée de 2000 mètres cubes par jour en 2022 à une moyenne variant entre 1500 et 1600 mètres cubes par jour en 2023.

Interdiction d’arroser en juillet

À Saint-Hyacinthe, l’enjeu se situe davantage sur sa capacité de traiter l’eau plus vite qu’elle est consommée. C’est grâce à une réserve d’eau mise en service en 2019 dans le secteur Douville qu’on ne connaît pas de problème d’alimentation en eau à l’heure actuelle. Cette nouvelle réalité a d’ailleurs poussé la Ville à imposer un moratoire sur toute nouvelle demande d’alimentation en eau d’autres municipalités en 2020. Elle a aussi annoncé la réalisation d’une étude hydrique.

« C’est une analyse plus globale à long terme, à savoir si on ne devrait pas développer un plan b pour les générations futures. Si un jour, on n’est pas capables de suffire avec notre prise d’eau actuelle, est-ce qu’on a un autre plan? On commence la réflexion », mentionne la directrice générale de Saint-Hyacinthe, Chantal Frigon.

À court terme, la Ville de Saint-Hyacinthe compte resserrer la vis en modifiant son règlement sur la consommation d’eau. Dès cet été, elle interdira l’arrosage du gazon durant le mois de juillet, excluant les jeux d’eau, en plus d’interdire en tout temps l’arrosage des entrées charretières, des stationnements et des trottoirs. Le lavage des patios et des murs extérieurs seront permis qu’une seule fois par année, entre le 15 avril et le 15 mai. Selon le maire de Saint-Hyacinthe, André Beauregard, il ne s’agit que du début. Il faudra s’attendre à d’autres resserrements au cours des prochaines années. La Ville compte d’ailleurs augmenter le nombre d’inspecteurs afin de faire appliquer le règlement.

« On bat des records de consommation d’eau, surtout durant le mois de juillet quand les gens arrosent. Si on n’avait pas notre réserve d’eau à Douville, sur la rue Carignan, il y a des journées où on n’arriverait pas à fournir. On ne produit pas de l’eau pour arroser le gazon. Cela a un coût énorme. C’est une question d’environnement, mais aussi de finances publiques », poursuit-il.

En 2022, la consommation moyenne d’eau par jour, soit de 31,3 millions de litres d’eau, a connu encore une hausse. De 2019 à 2021, la moyenne par jour est passée de 29,7 millions de litres d’eau à 30,7 millions de litres. La moyenne durant le mois de juillet en 2022 a été de 35,4 millions de litres d’eau par jour.

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