20 avril 2023 - 07:00
Santé financière des producteurs agricoles : une préoccupation bien présente chez la relève
Par: Adaée Beaulieu
Comme plusieurs agriculteurs de la relève, le propriétaire de la ferme laitière Dynamite Génétique à Saint-Dominique, Guillaume Trottier, doit occuper deux emplois pour tirer son épingle du jeu. Photo François Larivière | Le Courrier ©

Comme plusieurs agriculteurs de la relève, le propriétaire de la ferme laitière Dynamite Génétique à Saint-Dominique, Guillaume Trottier, doit occuper deux emplois pour tirer son épingle du jeu. Photo François Larivière | Le Courrier ©

L’UPA dévoilait dans un récent sondage que deux entreprises agricoles sur dix se trouvaient dans une mauvaise situation financière et qu’en Montérégie, 41 % des répondants craignaient une détérioration de leur santé financière dans la prochaine année. Même si ses affaires vont bien, Guillaume Therrien, le propriétaire de la ferme laitière Dynamite Génétique à Saint-Dominique, fait partie des 44 % des agriculteurs de la relève qui doivent occuper un autre emploi à l’extérieur de leur ferme.

Ayant grandi sur une ferme dont son frère a pris la relève, le trentenaire désirait aussi poursuivre dans le domaine et a donc suivi une formation sur la gestion d’une entreprise agricole il y a une dizaine d’années. Il a ensuite démarré sa propre ferme il y a huit ans.

Toutefois, même si son entreprise a doublé depuis ce temps, avec actuellement une centaine de bêtes, il n’arrive pas à se verser un salaire suffisant avec sa marge de 2 à 3 %. Pour 8 $ d’actifs, il arrive à retirer 1 $ de revenu. Cela s’explique par l’augmentation du coût des intrants de production, comme le grain dans son cas, qui a bondi de 27,9 % entre janvier 2020 et septembre 2022. De plus, il considère que le prix de vente du lait n’est pas à la hauteur des coûts de production. Le jeune homme travaille donc chez un autre producteur le jour et s’occupe de ses bêtes le matin et le soir.

« C’est vraiment une passion irrationnelle. Je ne peux pas dire si je vais pouvoir continuer à opérer ma ferme toute ma vie », affirme-t-il.

Des gouvernements qui doivent s’adapter

Selon lui, les gouvernements ne soutiennent pas assez la relève. Par exemple, il pouvait bénéficier de 50 000 $ pour lancer son entreprise en raison de ses études, mais il n’a finalement reçu que 25 000 $, car pour recevoir la différence, il se devait de vivre de son entreprise. « Il faudrait que le montant total soit versé au démarrage. La situation va être de pire en pire », clame-t-il.

Il affirme que plusieurs anciens amis étudiants ont quitté le domaine, car même le programme pour le démarrage d’une production laitière n’est pas adapté et nécessite souvent de s’exiler en échange de quotas.

Selon lui, l’écart est déjà grand entre les petites et les grosses fermes et il risque de se creuser davantage dans les années à venir. La solution est d’avoir une grosse ferme pour réaliser des économies d’échelle, mais ce n’est pas abordable pour les jeunes qui partent de zéro. De plus, même en faisant grandir une petite ferme, les coûts élevés des intrants empêchent de telles économies.

André Mousseau, le président de l’UPA Vallée maskoutaine, partage la même opinion. Avec 40 % de ses membres qui vendent pour 50 000 $ et moins par an, car il s’agit de fermes de proximité, il est selon lui essentiel que les deux paliers de gouvernement investissent davantage en agriculture.

« Les programmes n’ont pas été révisés ni adaptés à la relève. Les gouvernements ne doivent pas seulement entendre les jeunes, mais ils doivent les écouter et mettre en place les solutions qu’ils proposent. Les jeunes veulent réaliser leurs rêves, mais n’ont pas les moyens de leurs ambitions », lance M. Mousseau.

Une relève qui va chercher de l’aide

Du côté de l’organisme Au cœur des familles agricoles, situé à Saint-Hyacinthe et qui soutient mentalement les agriculteurs via les travailleurs de rang, il y a néanmoins une bonne nouvelle au sein de ces tristes pronostics. Les jeunes semblent plus enclins que leurs aînés à demander de l’aide ou à en accepter. Alors que les agriculteurs au Québec ont en moyenne 55 ans, l’âge moyen de la clientèle de l’organisme est plus bas, soit autour de 45 ans. Il s’agit d’hommes à 66 % et 60 % sont référés par quelqu’un d’autre, alors que 40 % viennent d’eux-mêmes.

Sans avoir le détail des causes de consultations et ne traitant pas les défis financiers, le directeur général de l’organisme, Samuel Gosselin, remarque tout de même que les dossiers sont plus complexes et croit bien que l’argent est un facteur important dans les remises en question des agriculteurs.

« Nous avons beaucoup de demandes d’aide quant à la réalité professionnelle, par exemple des remises en question ou des conflits intergénérationnels ou de couple. Dans tous les cas, nos agriculteurs ont besoin de soutien psychologique pour prendre les bonnes décisions », conclut-il.

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