Chez Dutailier, David Fontaine a opté pour la transparence. C’est tout à l’honneur de la famille Fontaine, mais un peu inhabituel dans le monde des affaires, a reconnu le principal intéressé lorsque je lui ai exprimé mon étonnement devant cet élan de franchise. Pour être bien honnête, j’avais présumé qu’on ne me rappellerait pas quand j’ai communiqué avec la direction après avoir appris de diverses sources les intentions de Dutailier. Il faut dire que l’information circulait depuis quelque temps déjà, après que les employés aient tous été mis au parfum par le grand patron.

À ma grande surprise, David Fontaine a pris le temps de me parler. « Mon père a toujours mené ses affaires avec transparence et nous n’avons rien à cacher. Nos employés ont le droit de savoir ce qui se passe, car ils sont les premiers concernés. »

Transparence pour transparence, l’annonce de la mise en vente de Dutailier n’a pas eu l’effet d’un coup de tonnerre dans un ciel bleu, disons-le franchement, car il y a belle lurette qu’il y a des nuages gris dans le ciel de Saint-Pie. Malgré tous ses efforts, le manufacturier de fauteuils et de tabourets oscillants n’est malheureusement plus l’ombre de ce qu’il a été au sommet de sa gloire il y a quelque 20 ans.

Début des années 2000, Dutailier International était une entreprise de classe mondiale avec son millier d’employés et des filiales canadienne, américaine et même européenne. De Saint-Pie, elle orchestrait les opérations de ses usines de Berthierville, de Saint-Élie-de-Caxton, de Virginie, du Texas et d’Angleterre. Elle était en mode acquisition et diversification, comme l’a démontré l’achat de Meubles EG de Sainte-Anne-de-la-Pérade, un manufacturier de meubles pour bébés et juvéniles.

Sauf que la chaîne a commencé à débarquer vers l’année 2004 à coup de rationalisation et de replis stratégiques. Elle avait entre autres dû fermer coup sur coup son usine au royaume de Fred Pellerin, puis celle du Texas dont l’acquisition a été décrite comme « un fiasco » par Fernand Fontaine, père de David. « Il faut mettre de l’ordre dans nos affaires si nous voulons passer au travers », m’avait-il confié pour un reportage coiffé du titre évocateur « La descente aux enfers de Dutailier », un titre que n’avait pas particulièrement apprécié M. Fontaine père.

La bonne nouvelle, c’est que l’entreprise avait réussi à se sortir du bourbier, non sans faire des sacrifices. Tant et si bien qu’en 2023, Dutailier a peut-être perdu de son panache d’antan, mais certainement pas son nom ni sa réputation.

Il faut bien l’avouer, la qualité supérieure des produits fabriqués par Dutailier a sûrement dû jouer contre elle en comparaison aux produits en tubulure à prix modique qui ont envahi le marché et lui ont fait la vie dure dans les grandes surfaces.

Après avoir résisté tant bien que mal à l’invasion des produits chinois, aux variations des taux de change, à toutes les crises qui ont secoué l’industrie du meuble aux États-Unis et au Canada et s’être relevé d’un incendie en 2008, Dutailier doit maintenant faire face à des difficultés d’approvisionnement et à la hausse du coût de la matière première, le bois. « Nous ne sommes pas à gérer la croissance, mais à maximiser nos opérations », a dit David Fontaine avec franchise. Il ne l’a pas exprimé dans ces mots, mais on sent que les Fontaine sont rendus à la croisée des chemins et qu’ils ont moins envie qu’avant de se battre contre vents et marées. Ils ont déjà donné et on serait fatigué pour moins que ça. D’où sans doute l’idée de tester l’intérêt du marché pour voir ce qui va arriver. Et j’ose croire que ce sera de bonnes choses et qu’il y aura de l’intérêt pour une entreprise qui demeure l’un de nos beaux fleurons. Dutailier, les Fontaine et leurs employés méritent un dénouement heureux.

Pour attirer un ou des investisseurs, l’atout principal de Dutailier réside dans sa réputation et le savoir-faire de ses employés, peut-être sa plus grande richesse en ces temps de rareté de main-d’œuvre. Aussi bien les mettre dans le coup en partant. Bien joué!