8 septembre 2022 - 07:00
Manque de main-d’œuvre à l’Hôtel-Dieu de Saint-Hyacinthe
Soins palliatifs : l’unité amputée des deux tiers
Par: Sarah-Eve Charland
L’Hôtel-Dieu de Saint-Hyacinthe est le seul établissement à Saint-Hyacinthe où des soins palliatifs sont offerts. Photothèque | Le Courrier ©

L’Hôtel-Dieu de Saint-Hyacinthe est le seul établissement à Saint-Hyacinthe où des soins palliatifs sont offerts. Photothèque | Le Courrier ©

Entre deux rideaux tirés, des personnes meurent sur une civière dans un corridor à l’urgence de l’Hôpital Honoré-Mercier de Saint-Hyacinthe depuis le mois de juillet. La seule unité de soins de fin de vie à Saint-Hyacinthe et les environs a vu ses effectifs être réduits progressivement depuis quelques mois afin d’accepter seulement quatre personnes en soins palliatifs à la fois, soit le tiers de sa capacité. Pour des travailleurs de la santé, ce choix administratif signifie rien de moins que le sacrifice des personnes en fin de vie.

L’unité des Érables à l’Hôtel-Dieu de Saint-Hyacinthe se compose de 38 lits en soins de longue durée et de 12 lits en soins palliatifs. La direction a diminué progressivement le nombre de travailleurs à cette unité afin de les transférer vers d’autres départements, pénurie de main-d’œuvre oblige. Cet été, la direction a demandé de limiter le nombre d’admissions en soins palliatifs à quatre. Pour chaque quart de travail, selon nos informations, on compte en moyenne maintenant une infirmière, une infirmière auxiliaire et une préposée aux bénéficiaires.

Le président de la CSN, Daniel Laroche, qui représente les préposées aux bénéficiaires, affirme avoir reçu des communications au cours de l’été indiquant que l’employeur diminuait le nombre de préposées sur des unités. Spécifiquement à l’unité des Érables, il savait que la majorité des lits étaient fermés, mais n’avait pas été mis au parfum du transfert des employés.

« Je n’ai pas été informé par l’employeur qu’il y avait une diminution volontaire du nombre de patients aux soins palliatifs, mais je sais que c’est une stratégie utilisée par l’organisation de prendre des personnes d’une unité vers une autre pour combler des besoins. On s’entend que c’est un irritant pour les préposées aux bénéficiaires », reconnaît M. Laroche.

Les nouveaux plans de contingence qui visent à organiser le travail en situation de pénurie de main-d’œuvre ne lui ont pas encore été présentés.

« Lorsque les gens postulent à un poste, ils s’attendent à travailler dans une unité avec un type de clientèle. Ces déplacements de personnel à l’intérieur du CISSS, c’est alarmant pour les préposées aux bénéficiaires. Il y a un sentiment de démobilisation. Ce n’est pas en maintenant cette cadence-là qu’on va s’en sortir. L’organisation va devoir se poser de sérieuses questions et le gouvernement aussi. Le point positif, c’est qu’on démarre bientôt une ronde de négociation. On va avoir des demandes audacieuses », ajoute M. Laroche.

Des choix crève-cœur

Chaque jour, les travailleurs de la santé doivent faire des choix déchirants, nous raconte-t-on. On compte chaque jour plusieurs patients à domicile en attente de soins parce que leur famille est épuisée. La région est dépourvue de services en fin de vie. La Villa Saint-Joseph n’offre plus les soins palliatifs. L’autre option est de se rendre à la Maison Victor-Gadbois à Belœil.

Ces personnes n’ont plus d’autre choix que de se présenter à l’urgence pour y mourir. Alors que les conditions y sont pénibles, les urgences débordent. Par exemple, dans la semaine du 29 août, l’occupation de l’urgence de l’Hôpital Honoré-Mercier dépassait les 130 % sur plusieurs jours.

« Les gens doivent finir leur vie entre deux rideaux sur une civière de l’urgence alors qu’ils pourraient bénéficier de soins de confort, de calme et d’une présence douce et rassurante à leurs côtés entourés de leur famille. Comment peut-on couper dans ce genre de soins? », s’est indigné un travailleur de la santé qui s’est entretenu avec LE COURRIER.

L’aide médicale à mourir était également donnée dans cette unité jusqu’à tout récemment. Les patients pouvaient choisir la date et l’heure selon leurs croyances tout en étant entourés de leur famille. Maintenant, l’aide médicale à mourir est offerte uniquement à l’hôpital dans des chambres peu adaptées. « Ce n’est pas beau ni chaleureux. Ça ressemble à de l’euthanasie », a dénoncé une employée.

Le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de la Montérégie-Est n’a pas répondu à la demande d’entrevue du COURRIER. Le service des communications a envoyé un courriel avec des éléments de réponse sans connaître la nature des questions de notre journaliste.

« L’enjeu réside essentiellement au niveau de la pénurie de personnel qui touche l’ensemble du réseau. Les compétences requises en soins palliatifs rendent la situation encore plus complexe pour combler les besoins de main-d’œuvre. Plusieurs mesures et actions sont mises en place pour recruter du personnel. Par exemple, des événements de recrutement ont lieu cet automne », a répondu la porte-parole du CISSS de la Montérégie-Est, Catherine Domingue.

Selon les employés à qui le journal a parlé, les employés ayant les compétences requises en soins palliatifs ont été transférés dans d’autres départements.

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