30 janvier 2025 - 03:00
Patrimoine canadien
Un ancien du Séminaire nommé personnage d’importance historique nationale
Par: Philippe Lanoix-Meunier | Journaliste de l'Initiative de journalisme local
Photo de finissant de Dominique François Gaspard au Séminaire de Saint-Hyacinthe, vers 1911. Photo Centre d’histoire de Saint-Hyacinthe

Photo de finissant de Dominique François Gaspard au Séminaire de Saint-Hyacinthe, vers 1911. Photo Centre d’histoire de Saint-Hyacinthe

Un ancien élève du Séminaire de Saint-Hyacinthe a récemment fait son entrée au panthéon des personnages d’importance historique nationale au Canada. Pratiquement 100 ans après sa mort, le Dr Dominique François Gaspard, pionnier de la communauté noire au Canada, a reçu un honneur bien mérité.

Le 19 novembre, Steven Guilbeault, ministre de l’Environnement et du Changement climatique et ministre responsable de Parcs Canada, a annoncé la désignation du Dr Gaspard à titre de personnage d’importance historique nationale dans le cadre du Programme national de commémoration historique de Parcs Canada.

« Le Dr Dominique François Gaspard, dont la vie a été consacrée à l’armée et au service à la communauté, a surmonté les obstacles représentés par l’origine ethnique, la langue et la classe, pavant ainsi la voie aux médecins d’origine africaine au Canada. La population canadienne veut connaître le passé du pays, dans toute sa richesse et sa complexité. En rapportant ces témoignages aux Canadiens, nous espérons favoriser une meilleure compréhension et susciter des discussions ouvertes sur les histoires, les cultures et les réalités de l’histoire du Canada », a mentionné M. Guilbeault.

Dominique François Gaspard, médecin et acteur clé de la communauté noire montréalaise (né le 22 décembre 1884 à La Nouvelle-Orléans, en Louisiane, et décédé le 6 février 1938 à Montréal), est reconnu pour son engagement à la fois dans la médecine et dans le développement de la communauté noire de Montréal.

Après avoir servi avec bravoure dans un hôpital de campagne durant la Première Guerre mondiale, il choisit de se consacrer à sa pratique médicale. Parallèlement, il œuvre pour l’essor de la communauté noire, en soutenant des initiatives sociales et éducatives. Bilingue et catholique, Dominique Gaspard se distingue dans un milieu majoritairement anglophone et protestant, celui de la communauté noire montréalaise du début du XXe siècle.

« La reconnaissance par le gouvernement du Canada du Dr Dominique Gaspard comme personne d’importance historique mérite d’être soulignée. Dr Gaspard a joué un rôle important au sein de la première communauté noire de Montréal. Il a contribué à la création d’organismes clés pour l’amélioration de la petite communauté noire anglophone de la ville. La langue n’était pas un obstacle, ce qui a permis à cet Afro-Américain parfaitement bilingue de fournir des soins médicaux à tous ceux qui en avaient besoin. Sa vie au service de la jeune communauté noire a été unique, et la reconnaissance des premiers leaders de Montréal est la bienvenue », a mentionné la Dre Dorothy W. Williams, professeure spécialisée dans l’histoire des Noirs.

Passage au Séminaire de Saint-Hyacinthe

Contrairement à la plupart des Afro-Canadiens du Québec de l’époque, Dominique François Gaspard est né à La Nouvelle-Orléans dans une famille créole afro-française. En 1905, il quitte la Louisiane pour étudier au Séminaire de Saint-Hyacinthe.

Selon Paul Foisy, directeur général du Centre d’histoire de Saint-Hyacinthe, il n’est toutefois pas la première personne de couleur à faire son entrée dans l’institution religieuse. Plusieurs Afro- Américains y fréquentaient l’établissement depuis les années 1860. Cependant, Dominique Gaspard est le premier étudiant de race noire à laisser derrière lui des écrits décrivant son expérience dans cette ville. Dominique Gaspard demeure à Saint-Hyacinthe pendant près de 6 ans. Après l’obtention de son diplôme en 1911, Dominique Gaspard souhaite dans un premier temps devenir prêtre dominicain, mais il décide finalement de jeter son dévolu sur la médecine, s’inscrivant au campus montréalais de l’Université Laval (établissement qui deviendra plusieurs années plus tard l’Université de Montréal).

Guerre, médecine et défense de la communauté noire

Pendant la Première Guerre mondiale, Dominique François Gaspard suspend ses études pour s’engager dans le Corps expéditionnaire canadien. De mars 1915 à juillet 1917, il sert dans l’Hôpital stationnaire no 4 (plus tard Hôpital général no 8), qui faisait partie du Corps médical de l’armée canadienne. Dominique François Gaspard est promu caporal, puis sergent, et reçoit la Médaille des épidémies du ministère de la Guerre de France en avril 1917.

Après la guerre, Dominique François Gaspard obtient son diplôme de l’Université Laval et passe le reste de sa vie dans la région de Montréal, faisant partie de la première génération avant-gardiste de médecins d’origine africaine. Il joue un rôle actif dans la communauté, rejoignant la congrégation de l’Union United Church et la division locale de l’Universal Negro Improvement Association en 1920. Dominique François Gaspard participe aussi à la fondation du Negro Community Centre avec son épouse Ethel May Lyons en 1927 et de la Coloured War Veterans’ Legion (Québec no 50) en 1935.

Il décède à l’Hôpital de Verdun en 1938 des suites d’une maladie et est inhumé au cimetière Notre-Dame-des-Neiges. En 1953, 15 ans après sa mort, d’anciens combattants noirs de Montréal nomment leur légion en son honneur. Le nouveau nom – filiale no 50 Dr Gaspard de la Légion royale canadienne – reconnaît sa contribution à la communauté et au pays.

Rayonnement

« Cette nouvelle démontre bien le rayonnement que le Séminaire avait à une certaine époque. Même s’il ne faut pas nier qu’il y avait encore beaucoup de discrimination, la religion prédominait sur la couleur de peau. On ne sait pas tout, mais rien ne démontre qu’il aurait été ostracisé ici. En fait, il semble que c’était tout le contraire. Il y avait une réelle ouverture à ce niveau au Séminaire », explique Paul Foisy.

Questionné sur la possibilité de voir un élément de toponymie de la municipalité être nommé en l’hommage du médecin, l’historien maskoutain estime que cette récente nomination apporte beaucoup d’eau au moulin en faveur de sa candidature. « Le Dr Gaspard n’est pas le seul étudiant du Séminaire qui a marqué l’histoire du Québec : Daniel Johnson (premier ministre du Québec de 1966 à 1968) et Jean-Jacques Bertrand (premier ministre du Québec de 1968 à 1970) sont tous deux diplômés de l’institution. Il n’a pas non plus marqué significativement l’histoire de Saint-Hyacinthe. En fait, il n’est pas resté ici très longtemps [6 ans], mais il a quand même été formé ici. Le fait qu’il soit maintenant reconnu à l’échelle nationale fait de lui un nom digne de mention. Beaucoup de personnes luttent présentement afin de promouvoir des figures historiques qui sont des femmes ou issues de la diversité. Je crois que cet élément pourrait jouer en sa faveur », conclut M. Foisy.

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