1 décembre 2022 - 07:00
Groupe Sélection à l’abri de ses créanciers
Un complexe à finir
Par: Le Courrier
Martin Bourrassa

Martin Bourrassa

Bien malin qui pourrait prédire ce qu’il adviendra du chantier de Groupe Sélection au centre-ville de Saint-Hyacinthe, depuis que ce propriétaire et gestionnaire de résidences pour personnes âgées (RPA) s’est placé, à la surprise générale, sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) le 14 novembre.

Dans la catégorie des débâcles économiques et immobilières que personne n’avait vues venir, celle-ci remporte sans doute la palme. Cela dépasse l’entendement.

Il est question d’un géant à la tête, en tout ou en partie, d’un portefeuille immobilier estimé à 2 milliards $, quelque 3000 employés, 65 résidences en activités ou en développement et 15 000 locataires. Un géant au pied (et aux poches) d’argile.

Les procédures des derniers jours devant le tribunal ayant à décider du contrôleur chargé de sortir l’entreprise et les prêteurs du bourbier dans lequel elles pataugent ont levé le voile sur les malheurs financiers et la gouvernance chaotique de Groupe Sélection.

Je vous épargne la poutine légale, mais sachez que ce ne sont pas moins de 137 sociétés ou parties apparentées à Groupe Sélection qui ont requis la protection de la Cour. Et celles-ci ne constituent qu’une partie des entreprises sous sa direction. L’organigramme des sociétés de GS est plus complexe que le plan du métro de Londres, a-t-on indiqué à l’audience.

Pour vous donner une petite idée de la complexité de la chose, Groupe Sélection a formé pas moins de trois sociétés en commandite distinctes autour du seul projet maskoutain, dont l’une avec un partenaire d’affaires qui a été récemment lié au projet de couvent des Sœurs de la Présentation de Marie à Saint-Hyacinthe, le Groupe Lokia.

Il faudra donc beaucoup de temps et d’efforts au contrôleur pour démêler et redresser tout ça, mais on sait que sa priorité sera le maintien des activités dans les RPA existantes qui rapportent des revenus, alors que les chantiers en cours sont synonymes de dépenses.

Entraînant des déficits et des dépenses de construction fixes de 7 M$ par mois, 15 projets en développement, dont 7 tours de logements locatifs qui sont toujours en construction ou en voie d’être complétées, se retrouveront loin des priorités. Ce qui nous ramène comme par magie au projet maskoutain qui lève à peine de terre depuis cet été.

Déjà en août, une première lumière jaune annonçait le pire quand une hypothèque légale avait été publiée par une entreprise de coffrage. D’autres se sont ajoutées comme de raison au cours des derniers jours, rapporte ce matin notre journaliste Sarah-Ève Charland.

Le chantier maskoutain risque d’être paralysé pour un bout et il ne faudrait pas se surprendre de voir un autre promoteur prendre la relève une fois que le tribunal aura dicté la suite des choses en collaboration avec les prêteurs. Un promoteur local comme le Groupe Robin ou Gestion Rodier pourrait-il être intéressé à mener à terme ce chantier? N’excluez rien. Il a même fort à parier qu’ils seront contactés par le contrôleur au dossier, PricewaterhouseCoopers, afin de tâter leur intérêt. Dans la mesure où il apparaît que le chantier maskoutain est bel et bien partie prenante de cette déroute financière une fois que toutes les zones d’ombre auront été éclaircies.

Cela dit, je vois mal comment on pourrait distribuer une part de blâme à la Ville de Saint-Hyacinthe pour la situation actuelle. Elle a écouté avec intérêt Groupe Sélection quand ce dernier lui a fait part de son intention de faire pleuvoir des millions pour s’établir à Saint-Hyacinthe, puis a favorisé sa venue et ses démarches en modifiant le zonage au centre-ville et en lui vendant du terrain sous prétexte de revitaliser son centre-ville, mais jamais elle n’aurait pu prévoir ou prévenir les déboires actuels de Groupe Sélection.

Il est vrai qu’elle n’a pas prévu, lors de la vente du terrain, de clause imposant une date butoir ou des pénalités au promoteur en cas de livraison tardive. Une date butoir n’encadrait que le début du chantier et non sa conclusion. Et dans le contexte actuel, penser qu’une pénalité aurait une influence quelconque sur le promoteur et la suite des choses ne tient pas la route. La Ville de Saint-Hyacinthe et les Maskoutains ne peuvent qu’être des spectateurs attentifs et souhaiter que le chantier ne restera pas à l’abandon trop longtemps. À suivre…

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