30 mars 2023 - 07:00
Un maire presbytérien à Saint-Hyacinthe
Par: Le Courrier
Paul Payan vers 1915. Photo Centre d’histoire de Saint-Hyacinthe, Fonds CH085, Studio B.J. Hébert, photographe

Paul Payan vers 1915. Photo Centre d’histoire de Saint-Hyacinthe, Fonds CH085, Studio B.J. Hébert, photographe

Le mardi 7 décembre 1909, le journal L’Union annonce que Paul-Frédérique Payan a pris la décision de briguer le poste de maire de Saint-Hyacinthe.

Selon L’Union, l’homme d’affaires maskoutain, copropriétaire de la tannerie Duclos et Payan, cède à la demande de plusieurs de ses concitoyens qui désirent le voir succéder au maire Eugène St-Jacques. Ce dernier a en effet décidé de ne pas solliciter de nouveau mandat.

Évidemment, Le Courrier de Saint- Hyacinthe est dans tous ses états. Il est inconcevable qu’un presbytérien, aussi honorable soit-il, devienne le premier magistrat de Saint-Hyacinthe, surtout pour le terme 1910-1911. En effet, deux événements religieux de grande envergure se préparent pour ces années. D’abord, en 1910, la province de Québec a été choisie pour tenir le congrès eucharistique.

« Tous les Canadiens français individuellement, toutes les paroisses et les villes canadiennes-françaises, et toute la province dans la personne de leurs représentants, devront s’acquitter avec le plus d’honneur possible de cet acte de foi et d’adoration publique qui se prépare. » De plus, en 1911, le Séminaire de Saint- Hyacinthe célébrera le centenaire de sa fondation. Le fait que le maire de Saint-Hyacinthe puisse être presbytérien lors de ces deux grands événements religieux est impensable pour Le Courrier.

Cet article paru dans l’édition du 11 décembre du Courrier ne semble pas émouvoir Paul Payan qui est toujours sur les rangs comme candidat à la mairie la semaine suivante. Dans son édition du 18 décembre, Le Courrier avance une autre raison pour tenter de décourager la candidature de Payan.

Le fils de l’homme d’affaires, qui s’appelle également Louis Payan, est conseiller du district No 1. On juge inconvenant que le père siège à un conseil dont le fils fait déjà partie. On se demande si, « en cas d’égalité de voix, M. Payan, père, aurait assez de grandeur d’âme pour défaire le vote de son fils ou si le fils, avant de voter, s’assurerait du sentiment de son père ». Bref, on craint les situations de conflit d’intérêts. Les adversaires de l’homme d’affaires mettent également de l’avant son âge, il a alors 70 ans, affirmant qu’il manquera certainement d’énergie pour bien diriger la Ville. Finalement, on lui reproche d’avoir refusé que la Ville paie les travaux de restauration de la Croix du Jubilé avec les deniers publics.

La semaine suivante, on apprend que M. Payan aura un adversaire de taille en la personne d’un autre homme d’affaires fort réputé de la ville, Samuel Casavant, le copropriétaire de la manufacture d’orgues Casavant Frères. Ses adversaires l’accusent d’imposture, lui reprochant d’avoir minimisé les coûts de construction d’un réseau d’égout afin d’éviter une consultation publique. On lui reproche également d’avoir installé son entreprise en dehors des limites de la ville, de sorte qu’il pouvait bénéficier de tous les services municipaux sans payer de taxes à Saint-Hyacinthe.

Comme on peut le constater, on s’affaire, tant du côté de L’Union qui favorise la candidature de Payan, que du Courrier et de La Tribune qui appuient Casavant, à prouver que chaque industriel possède des qualités qui surpassent celles de son concurrent. L’Union rebaptise même la firme Duclos et Payan, Payan et Duclos tout le long de la campagne, ce que ne manque pas de relever Le Courrier!

La campagne est donc orageuse. L’aspect religieux s’additionne à la joute politique et on se souviendra longtemps de cette année électorale. Comme on peut s’y attendre, les résultats sont serrés. Paul-Frédérique Payan l’emporte sur Samuel Casavant par 137 voix seulement.

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