14 juillet 2022 - 07:02
Rue Bourassa
Un non-voyant dénonce le retrait du trottoir
Par: Sarah-Eve Charland
Seuls les habitants de ce côté de la rue Bourassa conserveront leur trottoir au terme des travaux actuels. Photo Robert Gosselin | Le Courrier ©

Seuls les habitants de ce côté de la rue Bourassa conserveront leur trottoir au terme des travaux actuels. Photo Robert Gosselin | Le Courrier ©

Étant aveugle, Louis-Charles Lévesque considère que la disparition du trottoir sur la rue Bourassa du côté de sa résidence est une façon de le mettre en danger. Sans le trottoir du côté où se trouve sa résidence, il devra traverser la rue dangereusement ou se déplacer sur le gazon en bordure de chaussée. Malgré les doléances faites auprès des élus, ces derniers ont décidé de maintenir la décision d’enlever un trottoir.

M. Lévesque utilise les trottoirs de la rue Bourassa, particulièrement entre les rues Sainte-Catherine et Laval, tous les jours pour aller à son travail ou pour promener son chien. « Si cette portion de trottoir venait à être enlevée, je devrai marcher sur le gazon pour me rendre à l’intersection, ce qui compliquera mes déplacements présents et futurs surtout lorsque je dois utiliser ma canne ou en hiver. Sinon, je devrai traverser la rue illégalement directement depuis mon entrée de cour, me mettant ainsi en danger de collision avec un cycliste ou un automobiliste », explique-t-il.

Il a d’ailleurs été surpris d’apprendre la nouvelle à la mi-juin, lui laissant ainsi peu de temps pour réagir. Sa femme, Maude Amélia Robitaille, ajoute qu’il aurait été nécessaire de tenir des consultations à ce sujet. « On a contacté tous les élus. J’ai appelé plusieurs fois à la Ville et laissé un message à la conseillère municipale du quartier [Annie Pelletier]. On n’a eu aucun retour de personne. C’est la moindre des choses de consulter les résidents, et surtout les personnes handicapées », mentionnait Mme Robitaille quelques jours après la séance du conseil.

Sur le même sujet, le résident du secteur Marc Bisaillon, qui représente également le parti Saint-Hyacinthe unie, est retourné à la séance du conseil, le 4 juillet, pour questionner à nouveau les élus. Il a affirmé que la Ville n’a tenu aucune consultation auprès des résidents de la rue.

« Ce qui me dérange, c’est qu’on n’ait pas consulté. La moindre des choses est de consulter pour ne pas avoir de surprise. La surprise, c’est qu’on a reçu une lettre de la Ville, qui n’est pas personnalisée. On nous dit qu’on va planter des arbres. Tout le monde est pour les arbres. Sur la rue Bourassa, c’est plein d’arbres. Si on réussit à en planter deux, ça va être beau. Est-ce qu’à l’avenir, vous allez être plus transparent? », a questionné M. Bisaillon.

« Peut-être que, dans ce dossier-là, on aurait dû consulter plus. Je vous le concède », a répondu le maire André Beauregard.

Annie Pelletier assure avoir consulté des citoyens par le moyen d’appels téléphoniques. Selon la conseillère, le quartier Saint-Sacrement est celui où on trouve le plus de trottoirs à Saint-Hyacinthe. Il faudra donc s’attendre à voir d’autres trottoirs disparaître éventuellement. « À l’avenir, je vais faire des consultations comme j’aurais dû le faire. Considérant qu’il y en avait eu dans d’autres secteurs, je n’en ai pas fait », poursuit-elle.

Malgré l’intervention de M. Lévesque, les membres du conseil ont maintenu leur décision. « On va travailler avec [M. Lévesque] pour trouver un moyen d’accompagnement. Il y a eu d’autres situations dans la Ville où il n’y avait pas de trottoir devant une résidence d’une personne handicapée. Il y a eu de l’accompagnement et la problématique s’est réglée », affirme le maire Beauregard.

« On va le diriger vers le Conseil des aveugles de Saint-Hyacinthe, souligne Annie Pelletier. On va écouter ce qu’ils ont à dire. Si on nous dit de considérer de garder une parcelle de trottoir, je voudrais aller de l’avant en conservant le trottoir devant [la résidence de] M. Lévesque. […] Je rappelle que ce n’est pas à moi de décider, c’est le conseil municipal au complet qui prend la décision. Je peux débattre, mais si je suis la seule à m’opposer, on va devoir enlever le trottoir. »

Louis-Charles Lévesque est toutefois déçu de la réponse de la Ville, dont il a appris la teneur par le biais du COURRIER. Il aura fallu plus d’une semaine et demie avant d’obtenir une réponse de la Ville et de la conseillère municipale. Au moment de l’entrevue, alors qu’il n’avait pas eu de retour, il se montrait dubitatif face à la volonté de la Ville de lui offrir un accompagnement. Il ajoute qu’il souhaite simplement se déplacer de façon autonome, sans recourir au transport adapté.

Un conseil loin d’être unanime

Le conseiller municipal du quartier La Providence, Bernard Barré, a rappelé avoir voté en défaveur du plan directeur des trottoirs en 2018. Aujourd’hui, sa position demeure la même. C’est pour cette raison qu’il se désole de la décision des membres du conseil. « Ça n’a pas de sens. C’est une décision sans cœur et cruelle d’enlever un trottoir à une personne handicapée. […] Le plan directeur des trottoirs, c’est un fiasco. Les trottoirs qui sont là devraient rester là. S’ils ne sont plus bons, on devrait les changer », a commenté M. Barré.

Le conseiller de La Providence a d’ailleurs encouragé Marc Bisaillon à poursuivre ses démarches. « En 1986, j’étais à votre place. La Ville voulait enlever 21 sections de trottoir. J’avais une jeune fille de 7 ans en fauteuil roulant. On nous a dit que ce n’était pas grave d’enlever le trottoir parce qu’il y en avait un l’autre côté. On s’est battu. À minuit moins une, on a sauvé 17 sections de trottoir sur 21. La première chose qu’on dit à nos jeunes enfants, c’est de marcher sur le trottoir. [Les trottoirs] ont leur importance », a-t-il lancé à la séance du conseil.

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