« Nous ne dévoilerons aucune liste d’entreprises, ni de lieux précis, a indiqué au COURRIER Gabrielle Tassé, porte-parole du BCC. Nous nous limitons à dire que des entreprises de la Montérégie, du Centre-du-Québec, de Mauricie, de l’Estrie et d’autres régions et marchés sont au coeur de cette opération. »
Cette dernière visait à recueillir des éléments de preuve qui permettront d’établir les faits dans la mise en place de stratagème de collusion dans le partage de contrats de pavage dans l’ensemble du Québec. « S’il y a lieu, le dossier sera ensuite remis à la direction des poursuites criminelles et pénales selon les conclusions [de notre enquête sur le terrain]. Si des accusations sont déposées, c’est à ce moment que les noms des entreprises seront rendus publics », d’ajouter Mme Tassé.
On se souviendra que certaines pratiques d’affaires des entreprises de pavage avaient été mises en lumière lors des audiences de la commission Charbonneau au printemps 2014. Le directeur général de Pavages Maska, Serge Daunais, avait entre autres confessé avoir participé à de la collusion, du partage de territoire et des soumissions arrangées, des pratiques d’affaires courantes dans l’industrie du pavage de 1997 à 2001, avait-il expliqué lors de son interrogatoire.
« Durant cette période, on pouvait se téléphoner deux ou trois fois par année (…) on ne se parlait pas régulièrement à tous les projets (…) celui qui voulait avoir la job, c’est lui qui donnait le prix que tu devais soumissionner, mais le prix du gagnant tu ne l’avais pas », avait révélé M. Daunais.
Cette collision avait des allures de bonne entente au sein de l’industrie et était plus que nécessaire pour permettre aux petits joueurs de survivre, disait-il. « Si on ne fait pas de collusion, les petits vont tous mourir. (…) Il ne faut pas perdre le marché qu’on a parce qu’on est au minimum du seuil de la rentabilité. Il ne faut pas non plus aller trop piler sur les voisins parce qu’ils sont plus pesants que nous autres. »
M. Daunais avait fini par admettre que le grand patron de Pavages Maska, Claude Chagnon, était bien au fait des pratiques d’affaires de l’entreprise. « Je ne discutais pas de ça avec M. Chagnon. Très rarement, il se chargeait des discussions [avec nos compétiteurs], mais oui, il avait une connaissance des tractations. »
Maska vs Sintra
C’est aussi grâce à la Commission Charbonneau que nous avions appris que le géant Sintra s’est immiscé dans l’actionnariat de Pavages Maska en 2012 en s’appropriant 40 % de l’entreprise, en rachetant les parts d’un ancien actionnaire.
Une situation inusitée pour le ministère des Transports puisque ces deux entreprises liées pouvaient donc soumissionner sur les mêmes contrats.
Interrogée sur cette situation particulière qui fait d’ailleurs l’objet d’une bataille juridique entre les principaux actionnaires de Pavages Maska, la porte-parole du Bureau de la concurrence a dit ignorer si l’organisme qu’elle représente s’y était attardé.
Rejoint par LE COURRIER, Claude Chagnon n’avait pas eu vent des perquisitions du BCC visant les entreprises de pavage. « Je ne sais rien de ça, vous me l’apprenez. Je suis à la retraite depuis deux ans, alors je ne suis plus impliqué dans l’entreprise. Voyez tout cela avec Jean [Chagnon] au bureau. »
Au moment de mettre sous presse, Jean Chagnon n’avait pas donné suite à notre demande d’entrevue.