L’opération de démantèlement du plus ancien bâtiment industriel de Saint-Hyacinthe a commencé lundi par l’enlèvement de sa tourelle mansardée, toujours recouverte de ses tuiles d’ardoise originales.
L’intégration de cette structure à l’édifice de remplacement est l’unique condition que le conseil municipal a conservée parmi celles qu’il avait posées lorsqu’il a autorisé l’émission du permis de démolition, le 29 juin. Les élus, à l’exception de David Bousquet, ont fait marche arrière le 21 septembre en permettant que ce permis soit délivré avant même que Bellus Développement, le promoteur qui exploitera le site E.T. Corset – Goodyear, ait obtenu les modifications réglementaires devant lui permettre de lancer son ambitieux projet immobilier. Cette condition préalable était l’élément central de la résolution du 29 juin.
Bloqué par des citoyens à l’étape du registre, à la toute fin du processus d’adoption, le projet de règlement mis de l’avant pour accommoder Bellus a été retiré par le conseil à cette même séance du 21 septembre, de sorte qu’il ne fera donc pas l’objet d’un référendum de secteur. À sa place, un nouveau projet de modification du règlement d’urbanisme devra être présenté, mais il ne s’éloignera sans doute pas beaucoup du premier. « Ça risque de différer, mais ce ne sera pas le jour et la nuit entre les deux », a prévenu Stéphane Arès, tout en faisant visiter la E.T. Corset aux représentants du COURRIER, vendredi dernier. Des ouvriers s’affairaient alors à solidifier la base de la portion supérieure de la tour, pour qu’elle puisse être soulevée et transportée sans danger par une grue jusqu’à un lieu d’entreposage temporaire, dans la partie arrière du terrain.
Récupération
« C’est pour faire plaisir à des gens qu’on nous oblige à la récupérer, mais je ne sais pas qui au juste », ironisait Stéphane Arès en pointant des fissures dans les murs de brique, et des joints de mortier désagrégés. Ni lui, ni son partenaire ne perçoivent l’ancienne manufacture de corsets comme un bien patrimonial qui aurait mérité d’être restauré et réutilisé.
Fernand Mathieu a expliqué que la démolition serait menée de façon méthodique, pour permettre la récupération de la plus grande quantité de matériaux possible, à commencer par la brique et les poutres en bois. Il estimait à environ un mois le temps qu’il faudrait pour terminer l’opération, incluant la décontamination du sol.
« On va procéder de la même façon qu’avec la Goodyear (démolie en janvier 2014). On n’avait envoyé que le contenu de 13 conteneurs aux déchets, tout le reste avait été récupéré. On a aussi sorti 5500 tonnes de terre contaminée, ce qui a coûté 500 000 $, plus 200 000 $ en frais de démolition », a-t-il révélé.
Voilà qui donne une idée de la valeur qu’aura prise le site E.T. Corset – Goodyear lorsque MM. Arès et Mathieu seront prêts à le céder au Groupe Bellus, de qui ils détiennent une promesse d’achat.
En décrivant son projet à la séance d’information du 30 juin, au Centre aquatique, le président de Bellus Développement, Gilles Lépine, oncle par alliance du maire Claude Corbeil, avait parlé de la possibilité de construire sur cet emplacement jusqu’à 168 logements – des condos, essentiellement – répartis dans huit bâtiments comportant de trois à cinq étages, et desservis par des stationnements intérieurs. Reste à voir jusqu’à quel point le promoteur modifiera ses plans, maintenant que la Ville a aplani pour lui la difficulté d’ordre patrimoniale.
Au cours des dernières semaines, les autorités municipales ont fait la sourde oreille aux appels à la protection de la E.T. Corset qui leur sont venus d’un peu partout, et notamment du Centre d’histoire de Saint-Hyacinthe, du collectif Points de vue, d’Action patrimoine, de l’Association québécoise du patrimoine industriel, et même du ministère de la Culture, a-t-on appris.