François-Pierre de Rigaud de Vaudreuil reçoit la seigneurie de Maska le 23 septembre 1748. Le brevet de ratification sera signé par le roi Louis XV près d’un an plus tard, le 30 août 1749.
Dans un résumé français de sa thèse de doctorat intitulée « Um senherio rural canadense –St-Hyacinthe » conservée au Centre d’histoire, l’auteur Gabriel Roy indique qu’un « des traits fondamentaux du système seigneurial résidait dans la distribution gratuite de fiefs à des personnes que l’autorité royale jugeait capables de les administrer. Au Canada, ces personnes qu’on appelait “ seigneurs ” appartenaient à la petite noblesse, avaient déjà rendu quelques services dans la Colonie ou simplement, possédaient de fortes influences à la cour. Le titulaire d’une seigneurie pouvait céder son fief à n’importe qui, même par vente ».
François-Pierre Rigaud de Vaudreuil (1703-1779)
Dans le cas qui nous intéresse, soit celui de la seigneurie de Saint-Hyacinthe, on peut dire que l’emplacement fut concédé à Rigaud de Vaudreuil pour son influence à la cour, mais également pour ses services militaires.
Jeanne Daigle, une auteure prolifique qui fut membre du Centre d’histoire au cours des années 1970 et 1980, trace le portrait du premier seigneur de Saint-Hyacinthe dans un article publié dans le Courrier de Saint-Hyacinthe le 10 avril 1974 : « Il descendait d’une grande famille française dont le chef, le marquis Philippe de Rigaud, chevalier de Vaudreuil, laissa plusieurs fils. […] Pierre François Rigaud de Vaudreuil, écuyer, chevalier, seigneur de Vaudreuil, chevalier de l’Ordre royal de Saint-Louis, gouverneur des villes et gouvernement des Trois-Rivières, premier seigneur de Saint-Hyacinthe ».
En 1724, Rigaud de Vaudreuil obtient une compagnie et il deviendra major des troupes en 1741. Au cours de la guerre entre la France et l’Angleterre (1744 à 1748), « Rigaud de Vaudreuil a mission de protéger le fort Saint-Frédéric (près de Crown Point, New York). Il s’y rend d’abord en août 1746 et, n’y trouvant point d’Anglais, longe la Kaskékoué (aujourd’hui rivière Hoosic) jusqu’au fort Massachusetts (Williamstown, Massachusetts), qu’il rase après une faible résistance. Sur le chemin du retour, il brûle les quelque 200 bâtiments construits en bordure de la Kaskékoué et rentre à Montréal le 26 septembre. En juin 1747, il retourne avec 780 hommes au fort Saint-Frédéric où il attend les Britanniques, mais en vain, et n’improvise aucune offensive », notent Jean Hamelin et Jacqueline Roy, dans un article traçant le portrait de Rigaud de Vaudreuil publié dans le « Dictionnaire biographique du Canada ».
Le 1er mai 1749, le premier seigneur de Saint-Hyacinthe est nommé gouverneur de Trois-Rivières. Les auteurs Hamelin et Roy mentionnent qu’après sa nomination à titre de gouverneur de Trois-Rivières, Vaudreuil « se trouve alors en bonne position pour s’adonner à la traite des fourrures; il se fait concéder, pour deux ans, le poste de Baie-des-Puants (Green Bay, Wisconsin), dont il obtiendra la concession permanente en 1759 ».
Voilà donc un homme fort occupé qui ne peut s’assurer du développement de la seigneurie de Saint-Hyacinthe qui lui fut concédé en 1748. Ses nombreuses activités l’empêchant de s’occuper de son fief, il vend la seigneurie cinq ans après en avoir obtenu la concession.
Vendue!
Mais qu’est-ce qui pousse Rigaud de Vaudreuil à vendre sa seigneurie? Dans sa thèse, Gabriel Roy mentionne que le seigneur n’est pas propriétaire absolu, car il est un fidéicommissaire qui a la charge de développer son fief en échange de privilèges et d’obligations.
Parmi les obligations envers le roi, le seigneur doit porter Foi et Hommage (affirmer sa fidélité et remplir ses devoirs), faire Aveu et Dénombrement (produire une description détaillée de la seigneurie), payer le Quint (les impôts), tenir Résidence (demeurer dans la seigneurie ou avoir un lieu administratif), et concéder des terres aux censitaires (colons).
Le seigneur doit donc développer son fief, sinon il peut lui être repris. « Pendant plus de cinq ans, il (Rigaud de Vaudreuil) conserva son fief sans y tenir résidence et sans défricher ou faire défricher le moindre morceau de terre. Il se prévalut d’une instruction royale de 1676 qui dilatait le délai jusqu’à six ans », rappelle Gabriel Roy.
Jeanne Daigle conclut : « Rigaud de Vaudreuil réalisa qu’être seigneur de Saint-Hyacinthe lui devenait une obligation trop lourde. […] Il eut, en quelque sorte, la chance de rencontrer, à ce moment, le futur véritable premier seigneur de Saint-Hyacinthe en la personne de Jacques Hyacinthe Simon Delorme.
Lors d’un prochain article, on regarde de plus près les débuts de la seigneurie.