Pour quelqu’un comme moi qui nourrit un vif intérêt pour l’histoire maskoutaine, la perspective d’avoir sous la main de nouveaux documents est captivante. Il faut dire que c’est grâce aux documents que nous pouvons écrire l’histoire. Ils sont de précieux témoins d’un temps passé et sans eux, toute histoire est impossible. L’historien français Alain Prost dans son livre « Douze leçons sur l’histoire » rappelle à la page 57 que « Le souci des faits en histoire est celui même de l’administration de la preuve, et il est indissociable de la référence ». D’où l’importance des documents qui constituent des éléments clés de la construction de l’histoire.
À Saint-Hyacinthe, nous sommes choyés, car depuis plusieurs années, par le biais du Centre d’histoire de Saint-Hyacinthe, des individus ont consacré du temps à recueillir des documents, à les traiter, à les conserver et à les mettre à la disposition des chercheurs et historiens qui ont ainsi sous la main de précieux matériaux pour construire des faits qui viennent enrichir notre connaissance de l’histoire maskoutaine.
Au terme de cette longue introduction, revenons aux membres de la famille Côté qui ont oeuvré dans l’industrie de la chaussure à Saint-Hyacinthe. Dans quelles mesures, Louis et Eugène Côté ont-ils influencé la société maskoutaine à leur époque?
Louis Côté
Lorsqu’il est question de Louis Côté, on doit d’abord savoir qu’il était un leader de l’industrie de la chaussure au XIXe siècle au Canada. Comment cet homme né à Saint-Dominique le 21 mars 1836 est-il devenu un personnage important de cette industrie?
Très tôt dans sa jeunesse, il démontre un talent indéniable pour la mécanique. Selon l’historien Peter Gossage, dans un texte publié dans le Dictionnaire biographique du Canada, le jeune enfant « bâtit des moulins miniatures le long d’un cours d’eau qui passait dans la ferme paternelle à Saint-Dominique ». À quatorze ans, ses parents décident de l’envoyer faire son apprentissage chez son oncle-cordonnier à Saint-Hyacinthe. Cinq ans plus tard, le voici à Montréal où il fréquente l’école Jacques-Cartier tout en poursuivant sa formation chez un cordonnier.
Selon Jeanne Daigle, dans un article paru dans le journal Le Samedi, du 2 octobre 1945, Georges Côté, accompagne son frère Louis à Montréal. Après Montréal, les deux frères poursuivent leur cheminement aux États-Unis : « Les deux frères y perfectionnèrent leur métier qui était rude à cette époque, si l’on songe que toutes les opérations de l’Industrie de la Chaussure, alors non mécanisées, se faisaient à la main », note Mme Daigle. Très au fait de tous les aléas du métier, les connaissances de Louis Côté évoluent en même temps que se mécanise la production de la chaussure.
Toujours désireux de faire prospérer son talent, Côté donne vie à son rêve en 1863, lorsqu’il s’associe à son frère et à Guillaume Bresse pour former sa propre entreprise. Deux ans plus tard, les frères quittent Québec et s’installent à Saint-Hyacinthe où ils s’associent à leur cousin Jean-Baptiste Bourgeois et à Victor Côté, un marchand de cuir. Le quatuor met sur pied une compagnie qu’ils nomment Côté, Côté & Côté. On retrouve dans les archives du Centre d’histoire les écrits du Dr Joseph-Henri St-Germain, un témoin de cette époque, qui affirme que « l’établissement était situé Rue Cascades – coin de la Rue Piété (Duclos) où est situé aujourd’hui un marchand de bois coin opposé à la Station des Pompiers et de la Police ».
L’équipement de l’entreprise qui fabrique toutes sortes de bottes et de souliers « est mu par une machine à vapeur fixe, une des premières utilisées dans le tout nouveau secteur manufacturier de Saint-Hyacinthe », affirme Peter Gossage. Vous l’aurez deviné, Louis Côté fait donc partie des pionniers qui ont contribué à l’industrialisation de Saint-Hyacinthe. Selon l’historien, en 1871, l’usine Côté est le plus important employeur de Saint-Hyacinthe : « Son personnel comprenait 43 hommes, 22 garçons et 24 filles, et sa liste de paie dépassait les 20 000 $ par an ».
Puis, le 3 septembre 1876, un incendie allumé par une main criminelle ravage les trois quarts de la partie basse de la ville. L’usine Côté n’est pas épargnée. Comme tous les autres sinistrés, l’entreprise devra donc repartir sur de nouvelles bases.
À suivre.