Dans notre dernier texte, nous avons vu que la manufacture Louis Côté & Frère est vendue à Joseph Amable et Magloire Côté le 13 décembre 1893. Cette vente est réalisée moyennant un montant de 44 772,80 $ peut-on lire dans une copie du contrat notarié. De plus, l’inventaire sur le plancher et la production en cours changent de mains également pour un montant de 18 884 $.
Sept ans après cette importante transaction, un document daté du 9 novembre 1900 conservé au Centre d’histoire, dans le fonds Eugène Côté, fait état de la précarité financière de l’entreprise. On peut y lire que la compagnie traine un lourd passif de 130 730,01 $ composé en grande partie d’une dette envers la Banque de Saint-Hyacinthe (34 000 $) et aux créanciers ordinaires (43 132,01 $). Les actifs de la compagnie se soldant à 87 331,37 $ la fabrique de chaussures J. A. & M. Côté affiche un déficit total d’un peu plus de 43 000 $. La compagnie vit des heures sombres. Le 22 février 1901, la direction de J. A. & M. Côté fait une proposition à la Banque de Saint-Hyacinthe afin de consolider ses dettes. « Inclus vous voudrez bien trouver notre billet au montant de Trente Six Mille, Six Cent Soixante Sept piastres et Soixante Douze centins (36 667,72 $) en règlement du montant fourni pour payer la composition que nous avons effectuée à Vingt Cinq Centins dans la $… » La lettre est signée « Vos obéissants serviteurs », ce qui en dit long sur la précarité de l’entreprise au début du XXe siècle.
Comme un malheur ne vient jamais seul, une importante conflagration vient frapper encore une fois le coeur de Saint-Hyacinthe en 1903. Le sinistre éclate cette fois dans la manufacture Côté et lorsque la brigade d’incendie arrive sur les lieux, il est déjà trop tard. Laissons le rédacteur de la Tribune de Saint-Hyacinthe, dans son édition du 22 mai 1903, faire le bilan de cet incendie qui met à la rue près de 340 familles : « Sept manufactures et usines, trois des plus importantes maisons de commerce, un nombre considérable de résidences privées, en tout près de 180 maisons, tel est le bilan de l’incendie de mercredi, désastre qui rappelle celui de 1876 et dont St-Hyacinthe ressentira les funestes conséquences pendant longtemps. » Mais les Côté n’abandonnent pas facilement.
L’année suivante, ils reconstruisent leur usine sur la rue Saint-Simon, près de la rivière. Le « Guide de Saint-Hyacinthe » de 1904 affiche à la page 61 que la « Fab. J. A. & M. Côté » a pignon sur rue au 2-4 Saint-Simon. Joseph Amable et Magloire Côté profitent du changement de lieu pour réorganiser leur compagnie. La nouvelle entreprise est désignée sous le nom de la Maison J. A. & M. Côté Limitée telle que l’affirme notre collègue Albert Rémillard dans un article publié dans la chronique « Histoire d’ici » dans Le Courrier de Saint-Hyacinthe du 11 mars 1998.
La publication « Saint-Hyacinthe 1912 » indique à la page 22 que les « produits de cette maison sont vendus dans tout le Canada par un grand nombre de voyageurs et par les maisons de gros avec qui elle fait un commerce très considérable. Payant de 75 000 $ à 80 000 $ de salaires annuellement, cette maison emploie de 225 à 250 ouvriers et ouvrières et produit pour au-delà de 400 000 $ de chaussures. » Il semble donc que les affaires tournent plus rondement au début des années 1910. La compagnie J. A. & M. Côté popularise ses chaussures et bottes sous le nom la marque de commerce « The Yamaska Brand » qui selon les publicités constitue la référence dans l’industrie.
Mais le temps file et les dirigeants vieillissent. Après Louis et George, Joseph Amable et Magloire arrivent tant bien que mal à assurer la renommée de l’entreprise. Après eux, la compagnie poursuivra ses activités sous la gouverne d’Eugène, le fils de Joseph Amable Côté. Au décès de son père, en 1929, et de son oncle Magloire, en 1933, Eugène devient le chef d’entreprise. Guidant la compagnie de main de maître, Eugène Côté deviendra un chef de file dans l’industrie, mais également à Saint-Hyacinthe comme nous le verrons dans les prochains articles.
À suivre.