10 décembre 2015 - 00:00
Un cours d’eau pollué, une ville et des débats (3)
Par: Le Courrier
Vue aérienne de la rivière Yamaska direction est, vers 1950. Centre d’histoire de Saint-Hyacinthe, ASE 17 dos 3-2.

Vue aérienne de la rivière Yamaska direction est, vers 1950. Centre d’histoire de Saint-Hyacinthe, ASE 17 dos 3-2.

Vue aérienne de la rivière Yamaska direction est, vers 1950. Centre d’histoire de Saint-Hyacinthe, ASE 17 dos 3-2.

Vue aérienne de la rivière Yamaska direction est, vers 1950. Centre d’histoire de Saint-Hyacinthe, ASE 17 dos 3-2.


Un jeu d’échelle : entre pouvoir ­local et pouvoir provincial

Durant la première moitié du XXe siècle, le problème de pollution fluviale en est un d’incidence essentiellement locale, comme on l’a vue avec la mise en place de l’aqueduc municipal. Cependant, il reste que durant cette période, le gouvernement provincial s’interroge sur divers aspects du problème et y va de quelques interventions ponctuelles par le biais de différents ministères et organismes gouvernementaux.

Par exemple, les chercheurs de l’Office de Biologie du Québec, un organisme issu du ministère de la Chasse et de la Pêche, entreprennent diverses études abordant la ­rareté de certaines espèces de poissons dans les rivières québécoises, dont la Yamaska. ­Durant les années 1940, il est ainsi possible de lire dans la presse maskoutaine un ­certain nombre d’articles appelant à la ­coopération des membres de l’Association des Chasseurs et Pêcheurs de la Yamaska afin d’aider les biologistes dans leur ­démarche.

Le Dr Gustave Prévost, directeur de ­l’Office, demande alors aux personnes ayant pêché un maskinongé de bien ­vouloir téléphoner au service de biologie pour prévenir le service de sa capture : « Un biologiste sera immédiatement dépêché sur les lieux pour examiner la capture, [afin de] prélever l’estomac du maskinongé pour savoir de quoi il se nourrit […] De plus, sans compter que l’heureux pêcheur gardera son poisson, il recevra 3 $ comme dédommagement pour son dérangement de quelques minutes ».

Outre les biologistes et les pêcheurs, la pollution inquiète également les ­hygiénistes sanitaires qui tentent de ­sensibiliser les différents acteurs locaux concernant les dangers de maladies ­infectieuses qui sont transmissibles par l’eau contaminée. Les nombreuses ­campagnes de vaccination font foi d’une nouvelle approche prônée par le ministère de la Santé qui vise désormais la prévention. En fait, durant les années qui suivent la Seconde Guerre mondiale, l’aspect ­sanitaire s’immisce dans bon nombre de débats locaux, accentuant ainsi les ­inquiétudes de la population face au ­problème d’une eau impropre. Soulignons qu’en 1946, la province est frappée par une épidémie de poliomyélite, une maladie qui est transmissible par différents ­vecteurs, dont celui de l’eau contaminée.

Ainsi, lorsqu’en 1947 la municipalité de Saint-Damase, située en amont de Saint-Hyacinthe, prévoit mettre en place un réseau d’égout se déversant dans la ­Yamaska, on saisit mieux les raisons qui motivent le conseil municipal maskoutain d’adopter la résolution suivante : « […] que ce conseil proteste auprès des autorités compétentes contre ce projet qui est de ­nature à polluer les eaux de l’Yamaska, source d’approvisionnement de l’aqueduc de la ville […] ».

La réponse de l’ingénieur en chef du ­ministère de la Santé du Québec, Théo. J. Lafrenière, vient cependant soulager les inquiétudes du conseil en spécifiant dans une lettre adressée aux autorités ­maskoutaines qu’il n’y a pas lieu d’exiger le traitement des eaux usées visant à protéger la prise d’eau maskoutaine : « L’installation de la Cité [de Saint-Hyacinthe] pour la ­purification de ces eaux d’alimentation est suffisante pour obvier à la légère augmentation de la pollution des eaux de la rivière Yamaska qu’apportera la réalisation du projet de Saint-Damase ». L’ingénieur se permet même de lancer une flèche à ­l’endroit des autorités maskoutaines en leur reprochant de créer : « […] un problème de la même espèce, mais beaucoup plus grave, si l’on considère la prise d’eau de Massueville dans la même rivière en aval de Saint-Hyacinthe ».

Les menaces de pollution en amont de Saint-Hyacinthe se présentent sous une autre forme en 1950 lorsqu’une fissure dans l’oléoduc Portland-Montréal laisse s’échapper l’équivalent de 45 000 barils d’huile dans un champ entre Sainte-­Brigide et Saint-Césaire de Rouville. La mare d’huile emprunte alors graduellement les pentes et se dirige vers la rivière Yamaska : « Aidés de nombreux citoyens de la région, les pompiers de Saint-Césaire se mirent en frais d’endiguer l’huile n’ayant pour objet que de l’empêcher d’atteindre la rivière, ce qui eût amené un désastre dont on ne s’imagine pas les conséquences, dans les diverses municipalités qui s’y ­alimentent d’eau en aval de Saint-Césaire ». Finalement, afin d’empêcher l’huile ­d’atteindre la rivière, les autorités en place décident de brûler l’huile non récupérée par les camions-citernes de la compagnie.

Quelques années plus tard, le même ­problème survient dans le voisinage de Saint-Césaire de Rouville. L’équivalent de 25 000 barils d’huile, provenant du même oléoduc, se déverse dans un champ, pour éventuellement atteindre la rivière Sainte-Brigide, un affluent de la Yamaska. Les autorités improvisent alors deux barrages pour faciliter la récupération de l’huile par des camions-citernes et brûlent ensuite ce qui n’est pas récupérable.

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