Officiellement de retour au Québec depuis huit mois, c’est lors d’une rencontre fortuite avec Mme Labrecque que l’idée de monter Casse-Noisette lui est venue. Eddy Toussaint et Louise Labrecque se connaissent depuis déjà un long moment. Ils s’étaient rencontrés alors que Mme Labrecque dansait pour l’École supérieure de ballet du Québec. Le but derrière ce projet est de promouvoir le ballet classique en région. Pour ce faire, ils ont donc rassemblé les danseurs de la compagnie de M. Toussaint, les élèves de l’académie et ceux de l’école secondaire Saint-Joseph de Mme Labrecque.
« C’est toute une expérience à vivre pour les jeunes. J’ai des élèves qui commencent à suivre des cours dès l’âge de 3 ans. C’est impressionnant de voir des danseurs du calibre de ceux de la compagnie d’Eddy », affirme Louise Labrecque.
Le Casse-Noistte qui sera monté en décembre est bien particulier. C’est un ballet monté depuis plusieurs années par le chorégraphe. C’est un Casse-Noisette revisité et plus contemporain. « Premièrement, c’est un ballet portatif, sans aucun décor, très mobile. Nous gardons tout de même des bases comme la partition, la musique de Tchaïkovsky. Nous avons conservé l’orientation de base. Par contre, Clara ne se rend plus au Royaume des friandises, mais sur une autre planète. Les costumes sont beaucoup plus modernes et j’ai rechorégraphié le tout. J’ai aussi conservé des pas de danse, des mouvements plus traditionnels », précise Eddy Toussaint.
Le choix des danseurs s’est fait de façon spécifique. Une des choses les plus importantes pour Eddy Toussaint était que ses solistes soient des danseurs québécois. C’est donc Anthony Gervais et la Maskoutaine Alexandra Chartier qui ont été choisis pour assumer les rôles du Roi et de la Reine des neiges. Lorsque M. Toussaint a vu le Centre des arts Juliette-Lassonde, il a eu un coup de foudre. « Vous avez un magnifique théâtre. L’architecture est superbe et les salles sont parfaites pour des représentations de ballet. Une bonne compagnie doit avoir une résidence dans un beau théâtre. Le Centre des arts me fait beaucoup réfléchir », souligne-t-il.
Du haut de ses 70 ans, Eddy Toussaint mord toujours dans la vie à pleines dents. Ancien membre fondateur des Ballets Jazz de Montréal, l’homme savoure encore les petits plaisirs de la vie que ce soit l’architecture du Centre, un beau chien qui passe ou une jolie femme sur une motocyclette. C’est avec le sourire dans les yeux que ce grand homme parle de sa passion. « La vie de retraité n’est pas faite pour moi. J’ai besoin de travailler, de transmettre ma passion. Les jeunes sont vraiment importants pour moi. Je veux leur apprendre la meilleure base qui soit. Le ballet classique est le fondement de toute danse » exprime M. Toussaint.
Le chorégraphe possède deux baccalauréats en pédagogie. L’enseignement a toujours fait partie de sa vie. Son but est de former des danseurs. « Je n’ai jamais vraiment été un danseur. Je retourne toujours au segment pédagogique de la danse. Elle doit absolument être bien enseignée. Cette qualité au niveau de l’enseignement se perd de plus en plus de nos jours », dit-il.
L’École de danse Eddy Toussaint est néoclassique. Ce style comprend l’enseignement de la base du ballet classique, et ce, dans les règles de l’art. Par contre, il comporte aussi une partie création qui permet une liberté. Cette portion est importante pour les élèves. C’est dans cet esprit que les Ballets Jazz de Montréal ont été créés en 1972. « Le ballet jazz est un mélange de ballet classique et de folklore haïtien, trop peu de gens le savent. Lorsque nous avons créé cette compagnie, Eva Von Genscy et moi, c’était pour créer de nouveaux rôles, moins fermés que ceux du ballet classique. Étant un noir, les grands rôles n’étaient pas très accessibles pour moi. Jouer un cygne blanc par exemple était beaucoup trop paradoxal selon moi. »
Eddy Toussaint repart donc à zéro. Depuis deux ans, il essaie de refaire sa place dans le milieu du ballet québécois. L’avènement de la danse contemporaine avait fait fuir ce dernier. Ce type de danse ne le rejoignait plus. L’état actuel de la culture au Québec est un sujet qui le touche énormément. « J’ai terriblement mal à ma culture. Les coupures sont immenses. Des écoles et des entreprises de renom ferment. Sans les subventions, nous ne sommes pas grand-chose dans le monde fragile de l’art. J’ai bien peur pour notre avenir. Par exemple, même si j’opère une école et une entreprise à but non lucratif, je n’ai droit à aucune subvention ni de la ville de Montréal, ni du Québec et encore moins du Canada. C’est atroce! » conclut Eddy Toussaint.