Chaque fois que je passe sur le rang Basse-double ou Salvail sud, je pense aux puits de gaz de schiste, creusés il y a quelques années. Oh, on ne les voit pas vraiment, ils sont bien cachés maintenant par des amas de verdure, invisibles aux yeux des passants. Pour quelqu’un de l’extérieur, rien n’y parait. Et vous? Vous souvenez-vous de cet épisode, assez intense merci, de notre vie rurale?
L’apparition soudaine des camions, des foreuses et des tours, les cow-boys albertains qui roulaient des mécaniques en nous regardant de haut, avec leur attitude en altitude, haut dessus de leurs affaires, pressés de creuser, mais moins de répondre aux questions. Les visites roucoulantes des firmes de relations publiques de l’industrie avec à sa tête André « Col Roulé » Caillé, son armée de relationnistes, leurs colonnes de chiffres ronflants et les promesses de richesse pour tous et bien sûr, notre gouvernement de l’époque qui applaudissait à cet Eldorado… mais surtout les attaques contre les opposants qu’on qualifiait de tous les noms d’oiseaux, « enverdeurs », « anti-progrès », tous des ignorants qui protestaient sans trop savoir pourquoi.
Les souvenirs de cette lutte citoyenne résonnent encore comme un écho lointain chaque fois que je passe devant ces puits fuyant à petit feu leur méthane inutile… On prévoyait 20 000 puits dans la Vallée du St-Laurent. Et ce n’était qu’un début.
On s’est évité un beau gâchis non? Et pourtant, on s’apprête à y replonger. À dérouler une fois de plus le tapis rouge aux foreuses sur l’île d’Anticosti en dépit du bon sens le plus élémentaire. À grand coup d’aide de l’État aux Pétrolias de ce monde, en dépit de l’austérité. Et l’île est si loin de nos yeux qu’elle est presque invisible.