5 novembre 2015 - 00:00
Oui, mais
Par: Martin Bourassa

Régleons tout de suite une chose, question d’éviter toute ambiguïté : Le Courrier de Saint-Hyacinthe appuie la Ville de Saint-Hyacinthe dans son projet de construction d’un centre de congrès municipal.

Il s’agit d’un projet porteur et nécessaire à la relance du tourisme d’affaires et à la bonne santé de notre économie locale et régionale. Nul doute que cette dernière se portera mieux avec cet équipement stratégique que sans.

Ceci étant dit, cette position favorable à l’aboutissement du projet ne doit pas nous faire perdre tout sens critique et notre esprit d’analyse. Considérant ­l’ampleur de l’investissement municipal qu’il commande et la complexité des ­ententes qu’il suggère, il devrait être ­permis de pouvoir s’interroger sur ­les choix qui ont été faits, sur le montage financier de l’opération et sur toute la mécanique du projet.

D’autant plus qu’on nous demande de poser un acte de foi sans précédent, dans la mesure où on ne connaît pas encore — les connaîtrons-nous un jour? — les modalités de l’entente liant la Ville de Saint-Hyacinthe aux Centres d’achats Beauward.

Poser des questions et tenter d’éclaircir les multiples zones grises comme le fait LE COURRIER depuis des semaines est un exercice essentiel et pertinent.

Il serait d’ailleurs inconcevable de ­s’attendre à autre chose d’un média ­crédible et responsable. Ceux qui ­souhaiteraient que nous nous transformions soudainement en meneuses de claque pour mousser un projet « sans risque financier et qui n’aura aucun ­impact sur votre compte de taxes » font donc fausse route.

Pour l’instant, l’ensemble du projet ­repose sur un montage financier et des projections qui ne sont que pures spéculations, même si plusieurs données de l’équation ont été validées par trois ou quatre sources indépendantes. Il en va de même des raisons invoquées par la Ville pour justifier sa décision de s’engager dans un bail de 40 ans au terme duquel elle remettra les clés du centre de congrès à Beauward.

La dépréciation de cet investissement apparaît être la partie la plus discutable du projet.

À ce stade-ci, il nous semble aussi bien hasardeux de prédire que l’opération sera un retentissant succès financier, alors qu’on ignore le montant exact de la construction et si les projections de profits seront au rendez-vous comme anticipé.

Il est vrai qu’en théorie, la Ville arrive à démontrer la rentabilité de son investissement sans trop d’acrobaties, mais ce n’est qu’en pratique que l’on saura si tous ces savants calculs tiennent la route. La Ville a beau faire miroiter des retombées directes et indirectes de 1 milliard de ­dollars sur 40 ans et des revenus de taxes assurés qui justifient pleinement son ­investissement, on saura seulement à l’usage si le centre de congrès, de façon isolée, fera ses frais, ou si la Ville devra de temps à autre voler à la rescousse de l’opérateur. Et encore là, il est loin d’être certain que l’on pourra suivre l’état de santé du centre de congrès. Concernant la reddition de comptes, la Ville admet qu’il reste bien des ficelles à attacher. Elle ­assure toutefois qu’elle aura l’opérateur et ses états financiers à l’oeil, mais elle ­refuse de s’engager à rendre publics les états financiers annuels de son centre des congrès, question de ne pas donner d’armes à la concurrence. La Ville n’écarte pas non plus la possibilité d’endosser l’opérateur qui sera retenu, s’il s’avère que ce dernier a besoin d’un coup de main pour le démarrage.

Bref, on se dit que si construire et opérer un centre de congrès et un hôtel de luxe à Saint-Hyacinthe représentait une véritable mine d’or, le privé ne se ferait sûrement pas prier pour se lancer corps et âme dans l’aventure. Mais la Ville n’a trouvé qu’un seul ­partenaire pour danser et il commande un investissement municipal d’au moins 20 M$.

C’est un prix élevé à payer, mais nous sommes d’avis que la Ville, dans les ­circonstances actuelles, n’a d’autre choix que de le payer… et d’espérer pour le mieux.

Malgré certaines réserves bien légitimes sur la forme, le risque en vaut la chandelle sur le fond. Et c’est pourquoi il faut aller de l’avant collectivement.

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