À Saint-Simon, la mauvaise nouvelle avait créé tout un choc, s’est souvenu le maire Normand Corbeil. « Si c’est un coup dur pour Saint-Hyacinthe aujourd’hui, imagine pour un village mono-industriel de 1 200 habitants », lance-t-il.
Il a bien tenté de « renverser la vapeur » avec le CLD et les députés locaux, mais sans succès. Quelques projets ont ensuite été avancés pour redonner une deuxième vie à l’usine, mais ils n’ont jamais abouti. Seules les activités de Transbo, filiale d’Olymel dans le secteur du transport, restent en opération. Le long litige syndical qui a suivi a certainement contribué à compliquer les choses. Encore à l’heure actuelle, des négociations ont cours pour enfin régler ce dossier (voir autre texte en page B2).
Normand Corbeil croit encore que le climat de travail qui régnait à l’usine de plus de 500 employés a été un facteur important dans la décision d’Olymel de mettre la clé dans la porte. D’un autre côté, l’entreprise semble persister à conserver une usine fermée. « On se retrouve avec un éléphant blanc au village », constate le maire, qui a longtemps espéré un redémarrage.
L’ancien éleveur de porc connaît bien le milieu. Pendant des années, on lui laissait croire que l’usine allait repartir un jour. En 2016, avec la récente annonce d’Olymel à Yamachiche, il n’y croit tout simplement plus. « La meilleure chose qui pourrait arriver, c’est qu’ils mettent une pancarte à vendre sur la bâtisse », dit le maire.
La chasse gardée d’Olymel
La stratégie du géant de l’alimentation semble toutefois être bien différente. À Saint-Valérien aussi, les installations de l’entreprise reposent encore au cœur du village. La cour sert à l’entreposage de toute sorte de matériaux et les bureaux logent encore une vingtaine d’ingénieurs, mais le reste l’usine demeure inoccupée. De l’autre côté de la rue, un atelier de machinerie est encore ouvert.
Comme à Saint-Simon, des efforts considérables ont été déployés pour relancer l’usine, a témoigné la mairesse Raymonde Plamondon. Les 150 employés avaient même l’intention de racheter l’usine en formant une coopérative, mais l’initiative n’a pas obtenu la faveur d’Olymel. L’entreprise tenait à ce que l’industrie qui reprendrait son usine n’opère pas dans le même domaine, a expliqué Mme Plamondon.
Cette condition visait à la limiter la compétition, mais rendait toute reprise pratiquement impensable. Pour être considéré, le repreneur devait opérer des activités différentes de celles d’Olymel, mais les investissements nécessaires pour convertir l’usine devenaient alors désavantageux. Résultat, neuf ans plus tard, l’usine reste encore une coquille vide et sa cour un débarras. Olymel ne semble « pas intéressée à s’en départir », selon la mairesse. Le même problème se pose à Saint-Simon.
Dans les années précédant les fermetures, les deux municipalités avaient pourtant investi des millions dans leurs infrastructures d’eau, en grande partie pour répondre aux besoins d’Olymel. L’entreprise avait cependant participé financièrement aux projets, qui consistaient à prolonger l’aqueduc de Saint-Hyacinthe jusqu’à Saint-Simon et à agrandir la station d’épuration de Saint-Valérien.
Des villages résilients
Malgré les craintes initiales, les deux communautés ont tout de même su passer à travers la difficulté économique que représentait la fermeture de leur usine. Il faut dire que relativement peu de travailleurs habitaient directement à Saint-Simon et à Saint-Valérien. Beaucoup venaient des environs pour y faire leur quart de travail.
La plupart ont simplement trouvé autre chose. À Saint-Simon, beaucoup ont lancé leur propre petite entreprise, a constaté le maire Normand Corbeil, qui soutient que le taux de travailleurs autonomes dans sa municipalité est très enviable depuis.
Pour Saint-Valérien, c’est la diversité économique qui a été la bouée de sauvetage, selon la mairesse Raymonde Plamondon. En plus d’Olymel, la communauté pouvait aussi compter sur d’autres industries sur son territoire, ce qui a permis d’absorber le choc. S’il est indéniable qu’un creux économique s’est fait sentir, il n’aura duré qu’entre six mois et un an avant que les choses ne se replacent, évalue-t-elle.
Et Saint-Hyacinthe?
Malgré la perte d’une usine majeure, Saint-Hyacinthe survivra donc assurément à la décision d’Oymel, mais ce sont plutôt les travailleurs qui en payeront le prix, avertit Yvan Boulay, du Mouvement Action Chômage. « Ça vient chambouler tous leurs plans. Humainement, c’est très difficile à vivre. C’est 400 familles qui sont touchées », a-t-il commenté.
Ce n’est pas non plus une bonne nouvelle pour la région maskoutaine, indique-t-il, soulignant l’impact sur les fournisseurs locaux d’Olymel, qui perdront un bon client en septembre 2017. De nombreux travailleurs iront également chercher un emploi vers la Rive-Sud ou Drummondville, en plus de ceux qui devront carrément déménager.
La façon de procéder d’Olymel, qui a annoncé un important investissement à Yamachiche peu après son désengagement à Saint-Hyacinthe, coupant ainsi court à toute discussion avec les acteurs régionaux, est aussi à critiquer, selon lui.
Le maire de Saint-Simon a ajouté ne pas comprendre la logique derrière la réorganisation d’Olymel. Avec les élevages et les cultures en Montérégie, « les matières premières sont ici, mais la main-d’œuvre s’en va ailleurs », déplore-t-il.