On se souviendra longtemps de la date du vendredi 5 août 2016 à Saint-Hyacinthe. On en parlera comme du fameux vendredi noir, le jour où la direction d’Olymel a sonné le glas de ses activités de désossage de porc à son usine de Saint-Hyacinthe et annoncé la suppression, sur un an, de 340 emplois de qualité.
Trois cent quarante, le chiffre frappe l’imaginaire. De mémoire de rédacteur en chef, c’est la coupe la plus sévère, voire la plus dramatique, à frapper notre économie locale depuis des dizaines d’années. Trois cent quarante, c’est deux fois le nombre d’emplois perdus lors de la fermeture de la Kimberly-Clark en 2006.
On a bien entendu perdu quelque 200 emplois avec la fermeture de l’Hôtel des Seigneurs et du centre de congrès en 2013, mais ces emplois, pour la grande majorité à temps partiel et au salaire minimum, n’étaient en rien comparables à ceux qui vont disparaître chez Olymel d’ici l’automne prochain. Pour mettre ces 340 pertes d’emplois en perspective, sachez que sur l’ensemble de la Ville de Saint-Hyacinthe, il se serait créé, au niveau industriel, un peu plus de 700 emplois en 2015, s’il faut en croire les chiffres de Saint-Hyacinthe Technopole. On vient d’un seul coup d’en sacrifier la moitié, sinon plus. Il faut savoir qu’Olymel n’est pas facile à suivre dans ses calculs.
Dans son communiqué, elle fait état de la suppression de 340 emplois à son usine de Saint-Hyacinthe et du maintien de 70 emplois reliés à la fabrication de saindoux et à l’entreposage de produits congelés, mais elle omet de préciser qu’ils sont actuellement 483 employés à cette usine. Si on retranche 70 du nombre d’emplois actuels, on se retrouve devant une perte potentielle non pas de 340 emplois, mais de plus de 410 postes! Bien sûr, Olymel affirme qu’elle mettra tout en oeuvre pour faciliter la transition et la relocalisation de ces employés au sein de ses autres usines situées dans un rayon de 70 kilomètres, mais il est difficile de croire qu’elle réussira à en replacer des centaines d’ici un an, elle qui a créé 69 emplois au total dans la MRC l’an dernier.
Si elle était si convaincue d’y arriver, gageons qu’elle ne se serait pas gênée pour l’écrire dans son communiqué, question de faire passer la pilule. Cela dit, Olymel demeure malgré tout l’un des employeurs majeurs de la région, avec 1957 employés à travers la MRC des Maskoutains. Il ne faut cependant pas oublier que c’était encore plus vrai en 2005 alors qu’elle employait 2638 personnes. Ce sont aussi ses décisions de fermer son abattoir de Saint-Valérien et son usine de découpe de porcs de Saint-Simon en 2007 qui ont contribué à isoler et à fragiliser son usine de désossage de Saint-Hyacinthe. Au point d’en arriver au constat qu’il est plus efficace et rentable pour elle de relocaliser les activités de désossage de porc vers des usines où se font déjà les activités d’abattage et de découpe. Les espoirs de faire de l’usine de Saint-Simon une usine intégrée de ce genre viennent sans doute de s’évaporer, à l’image des quelque 550 emplois qui ont été perdus à Saint-Simon et Saint-Valérien. Certains se consoleront peut-être en se disant que Saint-Hyacinthe conserve le siège social d’Olymel, mais il est permis de se demander quel avantage nous procure ce siège social quand l’entreprise sabre des emplois à tour de bras chez nous, mais annonce des investissements majeurs et la création de 200 emplois à Saint-Esprit et de 350 à Yamachiche. Le réveil est assez brutal. Réalisez-vous qu’il n’y a plus aucune activité reliée à l’abattage ou à la transformation de porcs dans notre MRC, alors que la Montérégie est la région qui produit le plus de porcs au Québec? On a les cochons, les odeurs et le purin, mais les emplois et les retombées engraissent maintenant les autres MRC et régions du Québec. Les producteurs agricoles de la région et membres de la Coop fédérée, qui chapeaute les activités d’Olymel, semblent pourtant accepter le tout avec résignation, comme des bêtes dociles qui ne souhaitent pas mordre la main qui les nourrit. Nous avons bien hâte de connaître les plans d’Olymel concernant son usine de Saint-Hyacinthe, si plans il y a. Jusqu’à présent, elle s’est surtout distinguée par sa capacité à s’asseoir à long terme sur des installations sous-utilisées ou fermées.