La firme Magil Construction, de Montréal, avait présenté le prix le plus bas – 27 695 000 $ – au terme de l’appel d’offres du 19 mai 2016, mais après examen des trois propositions reçues suivant un système de pondération, c’est la soumission du Groupe Décarel, de Montréal – 28 754 077 $ -, qui a été retenue. Quant au troisième soumissionnaire, Pomerleau, également de Montréal, elle se chiffrait à 28 754 076 $.
La Loi sur les Cités et Villes précise que lorsque le conseil municipal choisit de recourir à un système de pondération pour l’octroi d’un contrat de 100 000 $ ou plus, la soumission ayant obtenu le meilleur pointage est assimilée à la plus basse.
Toutefois, la demanderesse Magil Construction estime que le processus d’attribution a été faussé au départ parce que, selon elle, la Ville n’a pas respecté sa propre Politique de gestion contractuelle en ce qui a trait à la composition du comité de sélection. Cette politique stipule qu’ « à moins d’une situation exceptionnelle, les membres (du comité) ne doivent avoir aucun lien hiérarchique entre eux ».
Le 19 septembre, Magil a donc présenté au tribunal une « Demande introductive d’instance en jugement déclaratoire et en injonction provisoire interlocutoire et permanente », mais le juge Michel Déziel, de la Cour supérieure du district de Saint-Hyacinthe, ne s’est pas rendu à ses arguments et a rejeté sa requête le 4 octobre.
Lien hiérarchique
Dans sa décision, on peut lire que c’est le 7 septembre, après l’octroi du contrat, que Magil a appris dans le journal local que le directeur général de la Ville, Louis Bilodeau, de même que le directeur du Service des travaux publics, Yvan De Lachevrotière, avaient siégé sur le comité de sélection en compagnie d’Antoine Cousineau, architecte de la firme Neuf Architectes, responsable des plans et devis. Or, Magil soutient que la Ville ne pouvait nommer sur ce comité M. De Lachevrotière, un subalterne du directeur général, sans contrevenir à sa politique. Elle estime avoir subi, de ce fait, « un préjudice sérieux et irréparable » et fait valoir que si un nouveau comité de sélection lui accordait le contrat, les citoyens de Saint-Hyacinthe épargneraient plus d’un million de dollars.
De son côté, la municipalité affirme que « l’octroi du plus gros contrat jamais autorisé par la Ville » justifiait la nomination de son directeur général et du directeur du Service des travaux publics sur le comité, malgré leur lien hiérarchique, et qu’elle avait agi en cela de façon raisonnable. Elle a aussi rappelé qu’elle perdait 15 M$ par année en retombées depuis la fermeture de l’ancien centre des congrès. Au sujet de la soumission présentée par Magil, elle a maintenu qu’elle ne répondait pas aux cinq critères de la grille d’analyse.
« Au niveau provisoire, Magil demande un sursis du processus d’appel d’offres et de ne pas mettre à exécution le contrat. Or, le contrat a déjà été attribué et les travaux ont débuté. Ainsi, les demandes provisoires deviennent sans objet. Sur la demande en injonction permanente, elle demande la formation d’un nouveau comité de sélection qui respecterait la Politique. À ce stade très préliminaire des procédures, la décision de la Ville de nommer les trois personnes qu’elle croit les mieux placées pour analyser les soumissions apparaît raisonnable. Vu la complexité du contrat, la coordination qui doit être faite avec l’ensemble des travaux et l’échéancier très serré auquel les soumissionnaires devaient adhérer, Magil ne démontre pas au stade provisoire que cela ne constitue pas une situation exceptionnelle au sens de la Politique », écrit le juge Déziel.
Il ajoute qu’il n’est pas démontré qu’un autre comité de sélection accorderait le contrat à Magil. « Cela relève de la pure hypothèse », tranche-t-il.
L’avocat de Magil Construction, Me Simon Grégoire, du cabinet Borden Ladner Gervais, s’est dit déçu de la décision du juge Déziel, mais n’a pas voulu la commenter davantage. Quant à savoir si Magil poussera l’affaire plus loin, il a laissé entendre qu’aucune décision à ce sujet n’avait encore été prise. « Je n’en ai pas encore discuté avec mon client », a-t-il dit.
La Ville, quant à elle, s’était fait représenter dans ce dossier par Me Frédéric Sylvestre, du cabinet Sylvestre et associés.