Les étudiants venaient déjà travailler dans ces champs pour apprendre à exploiter de grandes cultures et ce nouveau bâtiment servira maintenant à l’entreposage et à l’entretien de la machinerie agricole, mais aussi à l’enseignement des programmes liés à l’agriculture.
La bâtisse indispose cependant des résidents du terrain adjacent, qui ont vu un garage de 7 200 pieds carrés, haut de deux étages, se dresser le long de leur cour arrière. Brigitte Morrissette et Marcel Ouellette critiquent principalement la proximité du bâtiment, à quelques mètres de la limite entre les deux lots. Ils ont demandé en avril une injonction visant la Ville de Saint-Hyacinthe afin de l’empêcher de délivrer le permis de construction. Deux fois plutôt qu’une – puisque la cause a été portée en appel – la cour a cependant rejeté leur demande d’injonction.
Le propriétaire du terrain loué par l’EPSH, Daniel Lafortune, se désole que son projet de retraite cause autant d’embarras juridiques. L’ancien agriculteur y voyait une façon honorable de donner une vocation éducative et agricole à ses terres avant de se retirer, au lieu de simplement vendre en bloc.
Si ses voisins reconnaissent le bien-fondé du projet, ils croient néanmoins que la manière avec laquelle il a été mené témoigne d’un manque de respect à leur égard.
Travaux surprises
C’est en novembre 2015 que le couple a compris qu’il se passait quelque chose sur le terrain voisin, alors que les travaux préparatoires ont été entamés sous leurs yeux. Constatant l’ampleur du chantier, les citoyens ont contacté la Ville de Saint-Hyacinthe et ont rencontré le maire Claude Corbeil en décembre. Après avoir indiqué vouloir résoudre le problème par « une approche de bon voisinage », le maire les informe un peu plus tard le même mois que le projet est conforme et qu’il n’y a « rien à faire » pour empêcher la construction.
En mars dernier, les résidents déclenchaient le processus judiciaire pour invalider le règlement qui avait permis la construction, sans parvenir à ce que leur injonction n’empêche l’avancement des travaux.
Le projet avait déjà franchi toutes les étapes réglementaires sans rencontrer d’obstacle. Les demandeurs auraient dû réagir plus tôt, « dans un délai raisonnable », a écrit la juge de première instance. Le couple Morrissette et Ouellette plaidait cependant que l’avis public était « trompeur » puisqu’il désignait l’adresse de la résidence de Daniel Lafortune, et non l’emplacement réel, 500 mètres plus loin. Normal, a-t-il répondu, c’est simplement parce qu’il n’y avait pas encore de numéro civique à cet endroit et que toutes ses terres étaient reliées à une seule adresse.
Un choix obligé
Ce n’est pas par mauvaise foi que Daniel Lafortune a placé sa construction si près de ses voisins, a-t-il justifié. Plusieurs contraintes ont réduit son choix d’emplacement, dont la présence d’une ligne d’Hydro-Québec et de l’oléoduc de Valéro qui passent sur sa terre. Il a aussi précisé que l’ancien propriétaire avait vendu plusieurs lots le long du chemin, ne lui laissant que peu d’accès à la route. L’emplacement final se justifie aussi par le fait qu’il voulait limiter au minimum les pertes de terres cultivables pour s’assurer de l’autorisation de la Commission de protection du territoire agricole.
Reste que pour Brigitte Morrissette et Marcel Ouellette, la vue du champ avec la rivière Yamaska en arrière-plan s’est transformée en façade de tôle. « On a choisi cette maison justement pour la beauté et la tranquillité des lieux », a plaidé Brigitte Morrissette, qui redoute maintenant le va-et-vient, le bruit et la perte d’intimité que causera les nouvelles activités, selon elle. « C’est vrai qu’il est chez lui, mais de là à venir nous enclaver, il y a quand même des limites à respecter », a plaidé Marcel Ouellette. De son côté, Daniel Lafortune a affirmé avoir proposé de planter une haie de cèdres pour séparer les deux terrains et de changer légèrement l’emplacement.
Les deux parties ont déboursé plus de 20 000 $ dans le litige juridique, sans réussir à s’entendre hors cour. Malgré le rejet de l’injonction, le procès en tant que tel n’a pas encore eu lieu. Aussi étonnant que cela puisse paraître, la justice devra donc trancher sur la légalité d’un bâtiment déjà construit.
La Ville pressée
Les juges de la Cour d’appel ont d’ailleurs souligné à grand trait cet empressement dans leur arrêt. « Toute personne raisonnable aurait compris qu’aucun permis de construction [..] ne devait être délivré et que la construction ne devait pas débuter avant que ne soit connu le sort du pourvoi. La bonne foi aurait exigé un tel comportement de la part de la Ville et de M. Lafortune », ont-ils écrit.
Les travaux ont pourtant débuté le 17 mai dernier, quelques jours après la décision de première instance, mais l’appel n’a été rejeté que le 26 juillet, alors que le bâtiment était déjà érigé. Le permis de construction a donc été délivré avant même que la validité de l’injonction n’ait été connue. En attendant la suite du procès, la Ville de Saint-Hyacinthe s’est gardée de tout commentaire.