Après quelques mois de tiraillements avec le ministre de l’Agriculture Pierre Paradis, l’Union des producteurs agricoles (UPA) du Québec a fait plier le gouvernement dans le dossier de la réforme de la taxation foncière agricole. On la sentait venir cette victoire-là et elle s’ajoute à une longue liste du côté de l’UPA.
Cette victoire était prévisible dans la mesure où Québec sort rarement gagnant de ses bras de fer contre la toute-puissante UPA. On l’a vu dans l’incapacité de donner suite aux rapports Pronovost sur l’avenir de l’agriculture en 2010, sur celui visant la relève et au rapport Gagné sur l’industrie acéricole l’an dernier. Toute tentative de réforme qui vient bousculer l’ordre, voire et le monopole, établi se butte chaque fois à l’opposition féroce, organisée et soutenue de l’UPA.
Une menace de blocage de sentiers de motoneige suffit à faire reculer le gouvernement. Sauf que cette fois, Québec a été l’artisan de son propre malheur. Cette réforme ne résistait tout simplement pas à une analyse rigoureuse. Nos amis agriculteurs ont eu raison de monter aux barricades. Cette réforme paraissait précipitée et bâclée, même aux yeux des non-initiés. Le ministre de l’Agriculture a été incapable de défendre le bien-fondé des changements proposés, en sous-estimant grossièrement les impacts financiers qu’ils provoqueraient. Nombre d’agriculteurs autour de nous, et ils sont nombreux dans la capitale agroalimentaire, se sont retrouvés du jour au lendemain avec une charge de taxation accrue et disproportionnée. Une brève recherche de l’UPA de Saint-Hyacinthe avait mis en lumière 17 cas de producteurs agricoles devant composer avec des hausses de taxes agricoles se situant entre 31 et 72 %.
Et le ministre Paradis a aussi perdu le combat de l’opinion publique en décembre en affirmant que les modifications mises de l’avant n’affecteraient « qu’une poignée de multimillionnaires ». Pour ce dernier, ce fut le début de la fin, même si son remplacement est survenu après des problèmes d’un tout autre niveau. Dès la nomination de Laurent Lessard, il était écrit dans le ciel qu’un terrain d’entente serait trouvé. La menace de blocage de sentiers aura été davantage une porte de sortie qu’autre chose. Le gouvernement a profité de la première occasion pour sortir de cette vaseuse controverse où il s’enlisait. « Nous étions dans une situation irréconciliable », a expliqué le ministre Lessard pour justifier le retour à l’ancien modèle de calcul qui s’appliquait jusqu’au 31 décembre dernier. Et on passe à un autre appel. Cette sortie de crise fait aussi pitié que la crise elle-même puisque le ministre ne propose rien pour redéfinir l’ancien modèle et le moderniser. Il a raté une belle occasion de mettre la table pour un exercice plus structurant. L’UPA réclame depuis longtemps une réforme complète de la taxation foncière agricole qui découlerait d’une véritable concertation où elle aurait son mot à dire. Mais le gouvernement semble préfèrer de loin l’improvisation et les empoignades où il sort presque toujours perdant.