Dans les détours d’une brocante encombrée, je suis tombé sur un vieux meuble que j’avais déjà vu dans mon enfance. Un long banc de bois avec dossier dont le siège, muni d’un couvercle, pouvait s’ouvrir. Un « banc de quêteux ».
Comme je semblais m’y intéresser, l’antiquaire me fit un petit cours d’histoire du Québec. Ce type de meuble, très courant dans les maisons de campagne d’autrefois, était placé dans l’entrée et il pouvait contenir des vêtements, des objets utiles ou une paillasse pour offrir l’aide et le gîte aux itinérants de passage. Les habitants avaient même coutume de garder une place libre à la table commune, la « place du quêteux », pour servir un repas à celui qui en aurait besoin. Les mendiants de l’époque étaient reconnus pour leur discrétion sur eux-mêmes, leur provenance ou leur destination. Presque toujours habillés de misère, ils n’avaient souvent qu’un surnom en guise d’identification. Jambe de bois, le Bègue ou Noireau, on commençait par les aider, combler leurs besoins immédiats. Ensuite, près du feu et rassasié, c’était l’occasion pour l’invité de se livrer davantage et de récompenser ses hôtes pour leur générosité. Nombreux étant reconnus pour leur qualité de conteur d’histoires et de légendes ou leur grande dextérité à gosser le bois ou réparer des outils.
Il y avait quelquefois des rumeurs, plus ou moins fondées sur ces « gens du voyage », mais même s’il arrivait d’en avoir peur, jamais on ne refusait l’aumône au quêteux. La religion y était pour quelque chose, certes, mais aussi notre jeune histoire d’immigrants venus chercher en Amérique une meilleure vie et à qui on a un jour tendu la main. Dans les méandres de notre mémoire collective, il fut un temps où l’on accueillait l’autre. Il y avait même un meuble pour ça. Qui me semble aujourd’hui bien poussiéreux.
24 août 2017 - 00:00
Carte blanche
Le banc