Ces insecticides employés dans les semences enrobées sont largement utilisés dans la culture du maïs et du soya afin de lutter contre les insectes indésirables, mais peuvent également avoir des effets néfastes et potentiellement mortels sur les pollinisateurs comme les abeilles.
Parmi les quatre villes où des échantillons d’eau du robinet ont été prélevés, c’est à Saint-Hyacinthe que les concentrations de néonicotinoïdes les plus élevées ont été trouvées. À 17 nanogrammes (0,000 000 017 gramme) par litre, la concentration reste tout de même extrêmement faible. Parmi les neuf néonicotinoïdes ciblés par l’étude, ceux retrouvés dans l’eau maskoutaine étaient la thiaméthoxame, la clothianidine et, dans une moindre mesure, l’imidaclopride, tous des insecticides utilisés pour enrober les semences. « Cette observation semble en accord raisonnable avec le fait que Saint-Hyacinthe est située au milieu de zones agricoles dominées par la culture du maïs », indique l’étude.
Vu les faibles quantités détectées, le directeur de l’étude et professeur titulaire au département de chimie de l’Université de Montréal, Sébastien Sauvé, ne croit pas qu’il y ait un danger pour la consommation humaine. Ce qui est plus inquiétant, c’est que, si on retrouve ces insecticides jusque dans notre eau potable, c’est parce qu’ils sont présents partout dans notre environnement, a-t-il évoqué en entrevue au COURRIER. Amplement utilisées dans les grandes cultures, les semences enrobées se retrouvent d’abord dans le sol, mais des insecticides vont aussi se diriger vers les cours d’eau avec le ruissellement.
Dans cette même étude, l’eau de surface de quatre rivières québécoises, dont près de chez nous les rivières Chibouet et des Hurons, a également été analysée, révélant à chaque fois des traces de néonicotinoïdes.
Traitement de l’eau
Pour revenir à l’eau potable, la Ville de Saint-Hyacinthe souligne qu’elle traite déjà les pesticides à son usine de filtration. L’étape de filtration au charbon activé permet « l’absorption et la dégradation des matières organiques naturelles et des micropolluants organiques, notamment des pesticides », a précisé la directrice des communications de la Ville, Brigitte Massé.
Les analyses effectuées trois fois par année dans un laboratoire accrédité n’ont détecté « aucune concentration » de pesticides parce que leur présence est si faible, ou même nulle, que les appareils ne peuvent même pas les détecter, a-t-elle ajouté. « Nous sommes en tout point conformes avec le Règlement sur la qualité de l’eau potable », certifie-t-elle.
Les néonicotinoïdes, encore relativement récents, ne font toutefois pas partie des pesticides recensés dans le règlement du ministère de l’Environnement. Par ailleurs, les concentrations maximales qui sont fixées pour d’autres substances toxiques sont généralement en microgrammes par litre, une unité mille fois plus grande que celle utilisée dans l’étude.
Besoin d’informations fiables
Quel serait donc le seuil maximal de néonicotinoïdes à respecter pour l’eau que l’on boit? « On ne le sait pas », répond franchement Sébastien Sauvé, rappelant que « les municipalités ont besoin de normes » avant de s’équiper pour traiter spécifiquement ces substances dans leur usine de filtration.
Il souligne ainsi le peu d’informations encore disponible sur les néonicotinoïdes. Le chercheur a d’ailleurs récemment cosigné avec d’autres scientifiques une lettre ouverte appelant à la création de « fonds de recherche indépendants sur les impacts des pesticides sur la santé et l’environnement afin de protéger adéquatement l’intérêt public » (voir page 11).
Les signataires font valoir le besoin essentiel d’obtenir des données libres de toute influence d’intérêts privés, alors que « l’approbation donnée par Santé Canada pour l’utilisation des pesticides est basée majoritairement sur les études réalisées par l’industrie agrochimique » et que les scientifiques constatent de plus en plus souvent des contradictions entre celles-ci et les études indépendantes.