9 août 2018 - 00:00
Ordonnance de la CPTAQ
Le bitcoin banni du territoire agricole
Par: Benoit Lapierre
Le bitcoin banni du territoire agricole

Le bitcoin banni du territoire agricole

Le bitcoin banni du territoire agricole

Le bitcoin banni du territoire agricole

Même si une partie de la chaleur dégagée par les serveurs informatiques pourrait permettre dechauffer des serres, la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ) le répète : l’exploitation d’une mine de cryptomonnaie ne constitue pas une activité agricole et ne peut donc être tolérée sur une terre de Sainte-Marie-Madeleine.


Conséquemment, la CPTAQ somme la firme United American Corp (UAC), représentée par son président, Benoit Laliberté, de cesser d’utiliser à des fins autres que l’agriculture le lot situé au 1560, Petit Rang, à Sainte-Marie-Madeleine, et jusqu’ici propriété du Centre équestre Équi-Folie. Dans l’ordonnance qu’elle a émise le 11 juillet, la CPTAQ exige aussi que tout le matériel installé à cet endroit – serveurs et modules informatiques, boîtes ou panneaux électriques, câbles de branchement, tubes d’aération souterrains, etc. – en soit retiré et qu’il y ait restauration des zones excavées.

C’est au cours du printemps 2018 que M. Laliberté a commencé à mettre en place sur ce lot,sans aucun permis ni autorisation de la municipalité, des équipements destinés à y créer une mine de cryptomonnaies, bitcoin ou autres.

« Ces travaux visaient à permettre l’installation, à l’intérieur d’un dôme ayant auparavant servi de manège à chevaux, d’environ 1000 modules informatiques servant à effectuer des calculs et utilisés dans des opérations de minage de cryptomonnaies », précise la CPTAQ.

À la lumière d’un rapport de son service des enquêtes, la CPTAQ a émis un préavis d’ordonnance contre UAC le 17 avril, après quoi une rencontre publique demandée dans les délais par UAC a eu lieu à Longueuil le 27 juin.

Malgré les représentations faites alors par Benoit Laliberté, la CPTAQ reste d’avis que la quantité de chaleur générée par l’activité de minage – une suite ininterrompue de calculs informatiques complexes – est sans lien avec les besoins réels d’une exploitation en serres. « Celle-ci [la chaleur] serait invariablement produite de façon constante lors des opérations de calcul effectuées par les modules informatiques, qu’elle soit réutilisée ou non. L’exploitation de serres par le recyclage de la chaleur est tout au plus une activité accessoire qui valorise un sous-produit d’une activité autre qu’agricole », tranche la CPTAQ.

La Commission a aussi avisé les intimés qu’à défaut d’obtempérer à l’ordonnance en cessant les usages non autorisés et en procédant à une remise en état des lieux, elle allait s’adresser à la Cour supérieure pour assurer la sanction de l’ordonnance. En vertu de la loi, les travaux exigés pourraient être exécutés aux frais du contrevenant.

Jurisprudence

Joint mardi, le maire de Sainte-Marie-Madeleine, Gilles Carpentier, a indiqué qu’à sa connaissance, la mine de bitcoin d’UAC fonctionne depuis deux ou trois mois et qu’elle demeure en exploitation, malgré l’ordonnance de la CPTAQ. « Il n’y a rien d’arrêté, ça continue. Ce monsieur fait fi de la décision, c’est un outrage au tribunal », soutient-il. Il a précisé que des tranchées avaient été creusées en prévision de l’alimentation électrique de quatre autres dômes devant abriter eux aussi des modules informatiques.

Le maire Carpentier estime que ce dossier est de toute première importance pour tout le Québec puisqu’il fait jurisprudence quant à l’impossibilité de produire de la cryptomonnaie en territoire agricole. « Le système imaginé par M. Laliberté [récupérer la chaleur produite par les serveurs informatiques pour chauffer des serres] est très ingénieux, sauf qu’il n’est pas au bon endroit pour ça. »

Le 27 juin, avant de se rendre à la CPTAQ en après-midi, Benoit Laliberté avait participé le matin à une audience de la Régie de l’énergie sur une « demande de fixation de tarif et de conditions de service pour l’usage cryptographique appliqué aux chaînes de blocs ». Disant représenter la Corporation d’énergie thermique agricole du Canada, M. Laliberté avait exposé brièvement à la Régie son projet de Sainte-Marie-Madeleine. Il a mentionné que la phase 1 avait été achevée vers la fin mars, début avril et que la phase 2 était en construction.

Il a souligné qu’à terme, ses installations, alimentées en énergie par la Coopérative régionale d’électricité de Saint-Jean-Baptiste-de-Rouville, seraient constituées de 5500 modules de chaleur – ou serveurs de cryptomonnaie – pour un hectare de serres. Mais l’ordonnance de la CPTAQ risque fort de contrecarrer ses projets. 

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