Cette fois, pendant plus d’une heure, de nombreuses interventions se sont succédé, en grande majorité pour protester contre le nombre d’étages qui serait dorénavant permis et, plus encore, contre la manière dont les choses ont déboulé depuis la présentation du concept de la promenade Gérard-Côté, le 7 novembre.
Plusieurs ont en effet fait référence à cette soirée d’information, où il n’a jamais été question d’immeubles de huit étages. « Induits en erreur, floués, bernés », voilà comment certains citoyens ont dit se sentir à la suite du dépôt des règlements, à peine douze jours après cette soirée, sans possibilité d’être consultés ou de bloquer ces changements.
Impair de transparence
Lorsque Réal Lestage a parlé d’immeubles de quatre à six étages durant sa présentation, « il aurait fallu réagir », a d’ailleurs reconnu le maire Claude Corbeil, étant donné que le conseil avait déjà statué à ce moment sur un maximum de huit étages. « Ça a sorti comme ça, et on réalise aujourd’hui que ça a créé un impair majeur », s’est désolé le maire.
Même parmi ceux qui sont d’accord avec l’enjeu de fond, à savoir la densification du centre-ville, la manière dont les élus ont manœuvré dans le dossier a été vivement critiquée. Ainsi, Marijo Demers, citoyenne maskoutaine et candidate solidaire aux dernières élections provinciales, a parlé d’un « non-respect flagrant des principes au cœur de la démocratie représentative », comme l’imputabilité et la transparence. « Nous, la population, on n’est pas au courant, mais les promoteurs immobiliers, eux, sont dans le secret des dieux? », s’est-elle questionnée.
La conseillère Nicole Dion Audette a alors expliqué que le conseil avait simplement invité tous les promoteurs afin de ne pas se faire reprocher de négocier uniquement avec un seul d’entre eux. « Les promoteurs immobiliers ont des informations privilégiées », a rétorqué Mme Demers. « Pis, ça fait quoi? », a alors répondu Mme Dion Audette, laissant l’assistance médusée. Le maire Corbeil et le conseiller Pierre Thériault ont tout de même vivement nié avoir transmis des informations privilégiées aux promoteurs avant le 7 novembre.
Dans leurs interventions, les citoyens Chantal Goulet et Jacques Tétreault ont tenté, en vain, de convaincre les élus de reporter l’adoption des règlements compte tenu des préoccupations exprimées par les citoyens. « Des immeubles de six à huit étages, les résidents du centre-ville n’en veulent pas », a résumé Mme Goulet, ajoutant que les Maskoutains ne se « sentent pas respectés » par cette façon de procéder sans « véritable » consultation.
« La quantité de questions que vous avez ce soir démontre que vous avez encore besoin de consulter avant de voter. Il me semble que ce serait la décence la plus élémentaire », a aussi ajouté M. Tétreault. « La Ville n’a jamais autant consulté », a indiqué le maire pour répondre aux critiques. « Faudrait juste écouter après, pas juste entendre », a riposté Jacques Tétreault.
Remontant à la première consultation faite par la Ville sur ce projet, en mai 2017, il a dit ne pas se souvenir que les citoyens avaient réclamé des tours d’habitation en bordure de la promenade. En fait, en consultant le rapport déposé à la suite de l’exercice, on constate même que des citoyens ont expressément demandé de ne pas « défigurer les rives par des édifices en hauteur ».
Le conseil imperturbable
Pour le conseiller Thériault, la densification projetée à cet endroit vise à se donner les moyens d’arriver à ce que ce projet de 33 M$ soit « viable ». « C’est la seule façon de réaliser ce que vous voulez », a-t-il indiqué aux citoyens qui ont été charmés par le concept de la promenade. Le conseiller David Bousquet a de son côté parlé d’un plan à très long terme, qui s’étendra progressivement sur 20 ou 30 ans et qui est, de surcroît, évolutif. Une rhétorique directement empruntée du débat entourant le plan directeur des trottoirs, à la différence que le développement résidentiel n’est pas dicté par la Ville comme l’est l’entretien ou le retrait de trottoirs.
Des représentants d’organismesmaskoutains, comme Jacqueline Rainville de la Chambre de commerce, André Barnabé de Saint-Hyacinthe Technopole et Jean-Sylvain Bourdelais du Centre des arts, sont venus donner leur appui à la vision de l’administration municipale.
Dans une présentation préalable, la Ville a voulu rassurer les citoyens quant à la portée des règlements. Tout en préparant le terrain à une densification aux abords de la promenade, « rien ne changera demain matin », ont répété plusieurs fois représentants et élus municipaux. Dans une introduction avant l’assemblée, le maire a parlé de la densification comme d’une « tendance lourde » à travers le monde et au Québec, nécessaire à Saint-Hyacinthe pour protéger les terres agricoles, et qui « passe inévitablement par la requalification de certains espaces » au centre-ville. Le rôle de la Ville est d’investir dans les espaces publics et ce sera au privé d’acquérir des espaces pour développer, a bien insisté le maire Corbeil, excluant toute expropriation ou acquisition municipale d’un terrain pour le céder à un promoteur.
D’autres élus comme Claire Gagné ont appelé les citoyens à prendre acte de la présentation faite par la Ville, persuadée qu’elle aurait dû convaincre les personnes présentes. « J’ai l’impression que vous partez avec des questions élaborées avant que l’information ne vous soit donnée. J’aimerais qu’on parte de ce qui a été présenté ce soir », a-t-elle demandé.
Ça passe ou ça casse
En même temps, les élus n’ont pas non plus pris l’initiative de revoir leur position au cours de la soirée, malgré l’ampleur de la contestation et les appels à reporter le vote. Ils s’étaient assurés, avant la séance, d’aller de l’avant avec l’adoption, ce qu’ils ont fait à l’unanimité.
Au moment du vote, le conseiller Bernard Barré a tenu à faire la comparaison avec le débat entourant l’implantation au centre-ville du Centre des arts Juliette-Lassonde au début des années 2000, où le conseil avait également reçu une pluie de critiques. « On aurait pu casser cette soirée-là », a-t-il évoqué, mais le conseil est finalement allé de l’avant. « Quand arrive le temps de décider, la personne ressource la plus importante, c’est le conseiller municipal [du secteur touché] », a-t-il aussi évoqué, se tournant vers son voisin Jeannot Caron.
Ce dernier a défendu fermement le projet dans un élan d’émotion. « J’ai amené des changements dans ce projet-là parce qu’il était un peu différent au début. J’ai pris le temps d’écouter tout le monde au centre-ville depuis deux ans. Je le fais, mon travail, je le fais comme il faut. On s’en va vers quelque chose que je considère important pour notre centre-ville et il en a besoin. Donnez une chance à ce que je fais », a-t-il plaidé.