6 juin 2019 - 13:34
Projet F. Ménard de 50 M$ à Saint-Dominique
La CPTAQ change son fusil d’épaule
Par: Benoit Lapierre

Le point de rencontre du 7e Rang de Saint-Dominique et du chemin de fer de la compagnie Saint-Laurent & Atlantique, une pièce importante dans le projet que la firme F. Ménard a soumis à la CPTAQ. Photo François Larivière | Le Courrier ©

Le point de rencontre du 7e Rang de Saint-Dominique et du chemin de fer de la compagnie Saint-Laurent & Atlantique, une pièce importante dans le projet que la firme F. Ménard a soumis à la CPTAQ. Photo François Larivière | Le Courrier ©

Après avoir qualifié de projet commercial nuisible à l’agriculture l’investissement de 50 M$ que l’entreprise F. Ménard veut réaliser sur ses terres de Saint-Dominique, la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ) fait marche arrière dans ce dossier.

Elle vient de modifier du tout au tout l’orientation préliminaire qu’elle avait produite le 26 mai 2016 à l’égard de la demande présentée en 2015 par cet important producteur de porcs et de nourriture pour animaux, demande qui portait au départ sur l’utilisation de 20 hectares (ha) à d’autres fins que l’agriculture.

Dans un texte de 10 pages daté du 14 mai contenant sa nouvelle orientation à l’égard de ce projet et dont LE COURRIER a obtenu copie, la CPTAQ retient un argument nouveau que lui a exposé le promoteur lors d’une rencontre publique qui a eu lieu un an plus tôt, le 7 juin 2018. F. Ménard avait demandé la tenue de cette rencontre en se prévalant du délai de 30 jours qui a suivi l’orientation préliminaire de mai 2016.

De commercial à agricole

Dans ce premier avis donné par Me Hélène Lupien et Guy Lebel, la CPTAQ concluait que la requête devrait être refusée parce que l’usage demandé s’avérait « strictement commercial », voire de nature industrielle. Or, la Commission se demande aujourd’hui s’il était nécessaire que F. Ménard s’adresse à elle pour obtenir une autorisation, car il lui apparaît tout à coup que les activités projetées sont principalement agricoles. Le promoteur entend utiliser 14 ha – au lieu de 20 ha prévus initialement – pour la construction d’un centre de séchage, de conditionnement, de transbordement et d’entreposage de grains et de sous-produits, de même qu’une usine d’aliments pour animaux reliée au centre de transbordement. L’emplacement choisi se trouve sur une terre de 80 ha située dans le 7e Rang et qui est la propriété de F. Ménard.

Cette fois, le promoteur a fait valoir que son projet consistait principalement à fournir de la nourriture à ses propres animaux, son cheptel étant très important. F. Ménard se présente comme le leader de la production porcine au Québec avec ses 52 fermes, dont le quart est exploité par des travailleurs autonomes. L’entreprise signale qu’elle embauche 1000 employés, qu’elle possède aussi 12 fermes de poulet, qu’elle cultive 2040 hectares et produit sa propre moulée dans une proportion de 80 %. À ce propos, elle a informé la Commission que ses meuneries de Saint-Pie et Ange-Gardien fonctionnent déjà à plein régime et que cela la plaçait dans une situation critique. Pour elle, l’un des grands avantages du site de Saint-Dominique est la proximité de la voie ferrée de la compagnie de chemin de fer Saint-Laurent & Atlantique, laquelle ceinture sa propriété au nord. Elle lui permettrait de résoudre les problèmes de transport qu’elle éprouve à Saint-Pie et Ange-Gardien, où elle ne peut plus utiliser l’ancienne voie ferrée de la Montréal, Maine & Atlantique (MMA).

Toujours devant la Commission, le maire de Saint-Dominique, Robert Houle, a insisté quant à lui sur l’importance du projet F. Ménard pour l’économie de la MRC et la création d’emplois en région.

« Comme soulevée [sic] par le mandataire et l’expert de la demanderesse ainsi que par le maire lors de la rencontre publique, la première question a discuté [sic] est la nécessité ou non pour la demanderesse d’obtenir une autorisation de la Commission », mentionnent les signataires du deuxième avis, Me Hélène Lupien et René Mongeau.

Pour ses besoins

Selon eux, le promoteur répond aux exigences de la loi en voulant traiter, sur une ferme qui lui appartient, ses propres produits agricoles et pour ses propres besoins. « Les représentations entendues lors de la rencontre publique sont à l’effet que F. Ménard inc. possède un lot de 80 hectares sur lequel se trouve une porcherie. Ainsi, la Commission conclut que les superficies visées font partie d’une ferme. Aussi, les représentations entendues sont à l’effet que la meunerie emploiera 80 % des grains produits par F. Ménard inc. En somme, les intrants proviennent de F. Ménard inc., et le produit fini est principalement destiné aux cheptels de F. Ménard inc. Conséquemment, si les allégations sont tel [sic] que ci-dessus décrites, la Commission rejettera la demande parce que non nécessaire », tranche la CPTAQ dans l’orientation modifiée. Comme la commissaire Lupien suit le dossier depuis le début, c’est elle qui a changé d’opinion sur le projet.

Soudainement, les chances que F. Ménard puisse construire des installations de 50 M$ à Saint-Dominique paraissent bien meilleures qu’il y a un an. Un dernier délai de 10 jours pour la production d’observations écrites ayant pris fin le 24 mai, la CPTAQ est maintenant en mesure de rendre sa décision.

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