Ce dénouement arrivait à point nommé pour les producteurs, dont le niveau d’inquiétude commençait à monter dangereusement. C’est le cas de David Phaneuf, de Saint-Liboire, qui a accueilli avec « beaucoup de soulagement » la résolution du conflit de travail. S’il a réussi à maintenir le chauffage dans ses bâtiments abritant des animaux, il ne sait pas combien de temps les réserves auraient pu tenir, sachant que la priorité aurait éventuellement été transférée vers les activités humaines, les établissements du milieu de la santé par exemple, en cas de poursuite de la grève pour plusieurs jours.
Avec des installations à Saint-Liboire et à Saint-Dominique, David Phaneuf est producteur d’œufs d’incubation, mais est aussi actif dans l’élevage et les grandes cultures. Pour le séchage du maïs, moins prioritaire, il a donc dû attendre comme les autres. « On n’avait vraiment pas besoin de ça », a-t-il commenté en parlant de la pénurie de propane, alors qu’il s’agissait déjà d’une année difficile pour les cultures. Avec des semis tardifs en raison des mauvaises conditions printanières, un gel hâtif à l’automne, les grands vents et une bordée de neige, le taux d’humidité du grain est plus élevé qu’à l’habitude, d’où la nécessité du séchage. Au final, il s’agit d’une année « catastrophique », laisse même tomber M. Phaneuf.
Des tracteurs en ville
À travers ce concours de circonstances particulièrement défavorables, on comprend que la mobilisation n’a pas tardé à s’organiser et plusieurs acteurs de la région y ont d’ailleurs pris part. David Phaneuf était par exemple sur place lundi lors du coup d’éclat réalisé avec ses confrères agriculteurs devant les bureaux de Justin Trudeau à Montréal. Il y a même livré une allocution. Dès vendredi, ses parents étaient également de ceux qui sont partis de Châteauguay pour se rendre devant les bureaux du CN, toujours à Montréal, pour se faire entendre. « C’est vraiment de la Montérégie qu’est partie la mobilisation », a indiqué M. Phaneuf.
L’idée était de faire monter la pression sur les intervenants impliqués afin de mettre un terme à la pénurie le plus rapidement possible, même si les producteurs tenaient à ne pas prendre parti dans le conflit de travail en cours, a souligné David Phaneuf. La Fédération de l’Union des producteurs agricoles (UPA) de la Montérégie a évidemment réagi promptement à la fin de la grève, mardi, qui est d’ailleurs survenue au lendemain de l’action de visibilité tenue par les producteurs, a bien souligné le syndicat agricole. « Je tiens à saluer l’engagement, mais surtout le courage des familles agricoles », a déclaré par communiqué le président de la Fédération, Christian St-Jacques, qui a souligné le « mouvement de solidarité spontané » qui s’est organisé. Il demandait également que les entreprises agricoles soient réapprovisionnées en gaz propane de manière prioritaire. Elles ont été « largement éprouvées » par la pénurie, a-t-il continué, évoquant des pertes de « plusieurs centaines de milliers de dollars » et parlant lui aussi d’une année 2019 « désastreuse ».
Avec une reprise du transport ferroviaire mercredi matin, il faudra encore quatre ou cinq jours pour refaire les réserves de propane, évalue David Phaneuf. En principe, le travail pourra donc reprendre dans les champs maintenant que le carburant est à nouveau disponible pour le séchage du grain, si les conditions climatiques le permettent, ajoute-t-il. En moyenne, la moitié du maïs est encore dans les champs, a-t-il précisé. Au mieux, les agriculteurs tenteront donc de sauver les meubles.