16 avril 2020 - 13:28
Le privilège des grandes surfaces dénoncé
Par: Olivier Dénommée
Couvre Plancher 2000 a été parmi les premiers commerces à fermer ses portes au début de la crise de la COVID-19. Photo François Lariviève | Le Courrier ©

Couvre Plancher 2000 a été parmi les premiers commerces à fermer ses portes au début de la crise de la COVID-19. Photo François Lariviève | Le Courrier ©

Il était évident que la décision du gouvernement Legault de forcer la fermeture de plusieurs commerces pendant quelques semaines pour limiter la propagation de la COVID-19 ne ferait pas que des heureux, mais certains domaines semblent être plus durement touchés que d’autres. Pendant que de petits commerçants jugés non essentiels doivent faire une croix sur d’importants revenus depuis des semaines, des magasins à grande surface toujours ouverts vendent les mêmes produits sans problème.

C’est vraisemblablement dans le milieu de la construction et de la rénovation que cette problématique frappe le plus fort. Un communiqué de la bannière Flordeco dénonce « la concurrence déloyale » des magasins à grande surface « en ce qui concerne l’acquisition de certains matériaux, entre autres les couvre-planchers, la peinture et la décoration ». C’est sans compter le fait que de nombreux ménages profitent de cette période de confinement pour avancer les travaux et les rénovations sur leur maison, pénalisant doublement les petits commerçants au profit des grandes surfaces.

Copropriétaire de Couvre Plancher 2000, magasin maskoutain affilié à Déco Surfaces, Caroline Messier trouve effectivement injuste que « les Rona de ce monde » peuvent continuer à opérer, alors que son magasin est fermé au public depuis le 13 mars, soit même avant que le gouvernement ne l’ordonne pour assurer la sécurité de sa clientèle et de ses employés. « C’est sûr qu’on garde un goût amer de cette situation : on avait fait mettre une publicité dans le Publisac juste avant le début de la crise. C’est une campagne qui est tombée à l’eau pendant que les grandes surfaces sont pleines tous les jours et ont de la difficulté à respecter les règles de distanciation », déplore-t-elle.

Depuis le 25 mars, Céramique Graveline a aussi cessé toutes ses activités pour se plier aux exigences gouvernementales. « On n’a pas encore calculé nos pertes, mais c’est certain que les magasins à grande surface ont profité de clients qui seraient venus chez nous », croit Philippe Graveline, propriétaire de cette entreprise familiale. Il craint aussi que la perte de revenus s’échelonne sur plusieurs mois dans le secteur de la vente de détail même après la reprise de l’économie.

La clientèle avant tout

Pourtant, c’est davantage des problématiques auxquelles font face leur clientèle que de la concurrence des autres magasins que ces entrepreneurs s’inquiètent. « On a cessé nos activités, mais on répond encore aux questions des clients qu’on a déjà. En ce moment, on a environ une vingtaine de dossiers à l’arrêt, en plus de tous ceux qui sont en attente d’être ouverts », affirme Mme Messier, qui a accordé son entrevue au COURRIER avant que le premier ministre François Legault n’annonce une reprise partielle de la construction résidentielle à partir du 20 avril.

Elle se dit prête à reprendre du service rapidement, mais s’inquiète de plusieurs chantiers qui pourraient devenir « catastrophiques » quand « la machine va reprendre ». « Si les chantiers prennent beaucoup de retard et que les sous-traitants n’arrivent pas à fournir, ça va être un peu le bordel parce que ce sera impossible de reprendre un calendrier normal », appréhende-t-elle. Des questions demeurent aussi quant aux vacances de la construction cet été.

Un bémol

Quelques jours avant l’annonce du premier ministre, Philippe Graveline sentait que cela approchait, mais ne s’est pas montré particulièrement enthousiaste à l’idée d’une réouverture hâtive des chantiers. « On s’attend à ce qu’on nous demande de reprendre du service bientôt, mais je ne suis pas sûr qu’on va ouvrir à tout prix; je vais parler avec mes employés pour voir s’ils sont à l’aise de rentrer travailler dans ces circonstances. »

Parmi ses réserves, il explique que la majorité de ses employés sont âgés de plus de 60 ans et que certains clients reçus juste avant la fermeture de Céramique Graveline ne se sont pas montrés respectueux des consignes de distanciation physique. « Beaucoup d’incertitude demeure pour la suite des choses, et c’est ce qu’on trouve le plus difficile en ce moment », conclut M. Graveline.

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