« J’ai plus de travail qu’avant le confinement, lance spontanément le Maskoutain d’origine, dans une entrevue accordée au COURRIER. Vu que les producteurs n’ont plus d’attention à accorder aux productions [avec l’arrêt des plateaux de tournage], ils se tournent vers les auteurs. J’ai beaucoup de projets en développement. Je ne manque pas de travail. Je suis l’étape [de la chaîne] qui peut continuer. »
Habitué d’être isolé dans son bureau pour travailler, ce qui lui plaît normalement, François Avard s’étonne de constater qu’il s’ennuie néanmoins du contact humain. « En ce moment, j’ai un peu trop la paix. Le contact humain me manque, ce qui est drôle parce que je le fuis habituellement. »
Les réunions de production se tiennent toutes en ligne et disons que la froideur qui peut se dégager du numérique ne semble pas l’enchanter particulièrement.
« Ce n’est pas vraiment un contexte pour développer la créativité, avoue-t-il dans le franc-parler qu’on lui connaît bien. Le brainstorm sur Zoom ou par FaceTime, ce n’est pas très productif. Tu as toujours peur de couper la parole de l’autre, tandis qu’autour d’une table, il y a un flow qui s’installe. »
Il se dit néanmoins privilégié de pouvoir continuer de travailler de la sorte. « Et je ne vis pas le stress de côtoyer au quotidien des personnes malades [comme le personnel de la santé] », ajoute le créateur des Bougon, comme un hommage.
D’ailleurs, parlant des Bougon, croit-il que la crise actuelle fera ressortir le Bougon chez certaines personnes? « Oui, par la force des choses, répond-il après y avoir réfléchi un peu. On voit justement un beau Bougon avec 45 millions de dollars en faux masques en ce moment. Il y a toujours des gens qui vont se dire qu’ils peuvent se permettre de faire la piasse, même en période de crise. »
Écrire malgré l’incertitude
En raison du rythme auquel les projets continuent d’affluer pour François Avard, la crise actuelle n’est pas une période qui lui permet de ressortir une vieille idée qui traîne dans un tiroir, comme d’autres artistes ou créateurs l’ont évoqué dans les dernières semaines. Cela dit, il continue d’écrire en ignorant à quel moment ces projets pourront continuer leur évolution une fois sa partie du travail terminée.
Les effets de la crise risquent même de se faire ressentir sur des projets qui n’attendaient pourtant qu’à paraître. C’est le cas du film Le guide de la famille parfaite, sur lequel il a travaillé avec Louis Morissette, notamment.
« Ça devait être la comédie de l’été au cinéma, mais on ne sait pas trop ce qui va advenir de tout ça en ce moment », souligne-t-il.
Cette collaboration entre François Avard et Louis Morissette se poursuivait également en vue du deuxième spectacle d’humour des Morissette, dont le rodage devait débuter cet automne. Mais tout a été décalé en 2021.
« C’est difficile de s’imaginer quand les spectacles et les arts de la scène pourront reprendre », souligne le Maskoutain, qui avait également travaillé sur les plus récents one-man-shows de Jean-François Mercier, Patrick Groulx et Louis-José Houde.
Parmi les autres projets sur lesquels l’auteur planche, il y a notamment l’écriture de la seconde saison de La Maison bleue, une série fictive qui dépeint un Québec indépendant, quelque 25 ans après un référendum où le « oui » l’a emporté. Il poursuit également sa collaboration avec Les enfants de la télé, qui doit revenir pour une 11e saison, tout comme son travail sur l’émission jeunesse Cochon dingue.
« Je continue l’écriture en ne sachant pas quand tout ça sera tourné, mentionne-t-il. Tout ce qu’on pensait qui allait être tourné cet été, on ne sait pas quand ça pourra être fait. »
Il estime d’ailleurs que « ça risque d’être difficile » pour les émissions qui sont attendues pour l’automne. Pour les téléséries, il semble bien que seules celles dont le tournage a déjà été fait avant la crise se retrouveront au petit écran.
« Pour une variété comme Les enfants de la télé, il y a moyen de le faire sans public et en gardant les invités éloignés, mais pour une fiction, quand il y a une relation amoureuse ou que les personnages sont dans la même voiture, ça va être compliqué. Les plateaux doivent être assurés. Est-ce qu’il y aura une assurance si deux comédiens s’embrassent et qu’un tombe malade? », se questionne-t-il.
Bien que l’auteur soit épargné de la crise jusqu’ici, il n’en reste pas moins que l’incertitude demeure quant au moment où les plateaux de tournage pourront reprendre. En ce sens, est-ce qu’il pourrait y avoir un effet à retardement pour les auteurs? Est-ce que ceux-ci seront victimes de la crise une fois qu’elle sera passée? « Ça pourrait arriver, réfléchit-il lorsqu’on lui pose la question. Tant mieux si ça me donne un petit mou. Ça ne me découragerait pas non plus », conclut-il, serein.