Qu’est-ce qui est pire : perdre une élection ou perdre son poste de sénatrice en raison de son âge avancé?
« Dans les deux cas, ce n’est pas facile, mais comme sénateur, on le sait à l’avance que l’âge de la retraite obligatoire est 75 ans. On peut s’y préparer, contrairement à une défaite électorale. En 1993 [défaite contre Yvan Loubier], j’ai gardé espoir jusqu’à la fin et le résultat m’a fait beaucoup de peine. J’ai toujours pensé que je ne méritais pas de me faire retourner à la maison ainsi. Au Sénat, les règles sont ainsi faites et c’est correct, même si au niveau physique et mental, j’aurais sans doute eu la capacité de prolonger mon mandat de deux ou trois ans. »
Qu’avez-vous préféré au niveau politique : vos fonctions de députée ou de sénatrice?
« Je n’ai aucun regret et j’ai apprécié ces deux expériences totalement différentes. Mais s’il faut choisir, je dois avouer avoir retiré plus de satisfaction de mon travail de sénatrice dans lequel j’ai pu choisir mes dossiers et m’investir à fond dans les langues officielles et les affaires sociales. On a plus de temps pour étudier nos dossiers au Sénat, contrairement aux députés qui courent tout le temps. Les gens ignorent tout le travail de qualité qui se fait au Sénat. »
Vous qui avez occupé la présidence de l’Assemblée parlementaire de la francophonie et consacré beaucoup d’énergie à la promotion de la langue française, considérez-vous que cette dernière se porte bien au Québec?
« Je suis attristée par la piètre qualité de notre langue parlée et écrite qui ne ressemble plus réellement à du français. C’est triste de penser que des jeunes puissent sortir du cégep sans savoir écrire autrement qu’au son. Les réformes n’y changent rien, il y a un réel décalage entre les générations. Je n’ai qu’à lire deux ou trois lignes d’une correspondance pour deviner l’âge de son auteur. »
On annonçait récemment une nouvelle rediffusion des Belles histoires des pays d’en haut au petit écran. En avez-vous assez de ces reprises ou, au contraire, elles contribuent à assurer vos vieux jours?
« Je ne vivrais pas riche avec ces redevances (rires). Ça ne paie même pas le coût d’une croisière par année. À une certaine époque, j’ai cherché à m’en détacher et je ne
voulais plus entendre parler des Belles histoires, mais aujourd’hui, je suis bien avec ça. Si ces reprises font du bien aux gens, tant mieux. »
Comment négociez-vous avec le fait de vieillir?
« Ma belle-mère disait toujours que vieillir, c’est la seule façon de vivre longtemps. Bien vieillir, c’est plaisant. Vieillir en santé et surtout vieillir main dans la main avec celui ou celle qu’on aime. À deux, ça vieillit mieux, je pense. »
La Cour suprême du Canada a récemment autorisé l’aide médicale à mourir. Comment réagissez-vous à cette décision?
(Long silence) Vous savez, j’ai passé 42 jours dans le coma en 2007 et mes proches ont cru que je ne m’en sortirais pas vu mes souffrances épouvantables. On a demandé à mon mari s’il valait la peine de me soigner et il a été décidé de me soigner le mieux possible. Je ne serais peut-être plus là aujourd’hui si mes proches n’avaient pas insisté. Alors quand je regarde la décision de la Cour suprême, je me questionne et j’essaie de me rassurer en me disant qu’ils ont pris grand soin de bien enrober, de bien encadrer leur décision. »
L’année 2015 sera une année électorale sur la scène fédérale au Canada, alors vos prédictions?
« Je ne suis pas trop inquiète pour le Parti conservateur. Je doute fort que la vague orange résiste. La bataille ne se fera pas de ce côté, mais davantage du côté libéral. Mais encore là, Justin
Trudeau est un enfant. Le seul moment où il ne se met pas le pied dans la bouche, c’est quand il l’enlève pour remettre l’autre! En ce qui concerne le Bloc québécois, si cette élection devait être enfin son chant du cygne, alors comptez sur moi pour applaudir. Enfin, concernant l’identité du candidat conservateur dans le comté, j’ignore si on me consultera. La dernière fois, ce n’était pas mon choix [Jean-Guy Dagenais]. On m’avait consultée, mais on ne m’avait pas écoutée… »