Même si Réjean Sauvé a été arrêté le 8 juin, ce n’est que le 11 juin en avant-midi, quelques heures avant que la nouvelle ne soit répandue dans les médias, que Mme Demers a été mise au courant du dossier. « J’ai reçu un appel de courtoisie pour m’en informer. Réjean était en congé de paternité, alors je n’avais aucune idée qu’il avait été arrêté plus tôt », affirme-t-elle. Sa première réaction en l’apprenant? « Stupeur, étonnement, perplexité… j’ai été soufflée par cette annonce. »
Selon Mme Demers, qui côtoyait Sauvé au quotidien depuis déjà 9 ans, il avait une « super approche » auprès des jeunes et il était très apprécié d’eux. Jamais elle n’aurait cru qu’il pourrait faire face à de telles accusations. « Tous nos intervenants sont des personnes d’exception et il en faisait partie. Si on avait eu le moindre doute sur lui, on n’aurait pas cette conversation », insiste la directrice.
Pour le moment, les informations laissent croire que les crimes dont on accuse Sauvé auraient été commis en dehors de ses activités au Baluchon, mais l’organisme n’a pris aucun risque et met à la disposition de ses résidents actuels et passés et de son personnel des ressources s’ils ont besoin de soutien psychosocial. Hier, mercredi, personne ne s’était encore manifesté pour bénéficier de ce service. « Dans une ressource comme la nôtre, s’il était arrivé une situation avec un de nos jeunes ou quelqu’un de notre équipe, je suis persuadée que quelqu’un aurait fait une confidence », estime Suzanne Demers.
Une enquête interne au Baluchon a été amorcée à la fin de la semaine dernière et l’organisme a fourni sa liste de jeunes hébergés à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) pour sa propre enquête indépendante. « Depuis jeudi, tous nos efforts sont concentrés sur nos jeunes, notre équipe et la confiance que la population nous accorde », mentionne Mme Demers, considérant l’Auberge du cœur Le Baluchon comme « une victime collatérale » de Réjean Sauvé.
Une ombre au tableau
Lorsque l’arrestation de Réjean Sauvé a été rendue publique dans les médias, une ancienne collègue de travail qui a requis l’anonymat a contacté LE COURRIER pour faire savoir qu’il était loin d’être un intervenant exemplaire.
« L’impression que plusieurs ont de lui dans le réseau, c’est qu’il n’est pas professionnel, qu’il manque d’éthique et qu’il n’assumait pas ses responsabilités. Ça fait longtemps qu’on se demande pourquoi il était encore intervenant auprès des jeunes vulnérables comme ceux du Baluchon. » Elle assure aussi que de multiples plaintes ont été formulées à son égard au fil des années et que certains de ses collègues du Baluchon ont même démissionné à cause de lui.
Une version vivement démentie par Suzanne Demers. « Pendant toutes ces années, il n’y a jamais eu de plainte formelle des jeunes ni de travailleurs du réseau. On a déjà fait une enquête concernant une plainte formulée par un parent, mais on a conclu qu’il n’y avait eu aucune faute de sa part. » Quant aux démissions, elles ne peuvent pas être associées à Sauvé. « Dans un milieu comme le nôtre, les gens quittent pour améliorer leur sort, c’est normal et je ne tiens rigueur à personne. Mais c’est lâche de jeter la faute sur un employé pour un conflit de personnalités et de le faire sur une base anonyme. »