L’annonce a été faite le 17 juin par la coroner en chef du Québec, Me Pascale Descary. Elle a confié ce complexe mandat à la coroner et avocate Géhane Kamel. Son objectif? Formuler des recommandations dans le but d’éviter d’autres décès et de protéger la vie humaine. Personne ne peut dire que cette enquête publique ne s’imposait pas d’elle-même. On le devait aux familles et aux victimes.
Au moment de dévoiler le cadre de l’enquête à venir, le plus récent bilan québécois de la COVID-19 faisait état de 5293 décès dans l’ensemble du Québec, dont 3642 en CHSLD, 932 en résidences pour aînés et 234 en ressources intermédiaires. Ce sont donc 4808 décès dans le type de résidences qui se qualifient pour l’enquête publique.
Localement, dans nos centres d’hébergement, le dernier bilan faisait état d’une vingtaine de décès à l’Hôtel-Dieu, dont 13 résidents permanents. Les autres y avaient été logées temporairement à l’initiative du CISSS de la Montérégie-Est. Cette mesure controversée a été mise en place alors qu’il n’y avait encore aucun cas à l’interne.
Le bureau du coroner a par contre établi des limites précises à son investigation, voire des contraintes. Son point de départ sera les décès survenus au CHSLD privé Herron à Dorval qui sont déjà en cours d’investigation. On sélectionnera ensuite des décès dans plusieurs types de résidences et dans plusieurs régions du Québec afin de dresser un portrait représentatif de la situation à l’échelle du Québec.
Cette sélection ne sera pas aléatoire du tout. On pigera uniquement dans la pile des décès qui ont fait l’objet d’un avis au coroner en raison de leur caractère violent, obscur ou parce qu’ils sont possiblement liés à de la négligence.
L’obscurité et la négligence étant des concepts à intensité hautement variable, il faut donc s’attendre à ce qu’une infime partie des décès survenus entre le 12 mars et le 1er mai se qualifient pour une analyse plus poussée du bureau du coroner.
Et comme les recommandations sont attendues quelque part au cours de l’année 2021, elles ne seront pas connues en cas de deuxième vague à l’automne. Mais cela ne change rien à l’utilité de l’exercice. D’autant plus que le réseau de la santé a déjà une bonne idée de ce qui n’a pas fonctionné au plus fort de la pandémie printanière.
Pendant que tous les efforts étaient concentrés sur la première ligne dans les urgences et les hôpitaux, la crise s’est présentée dans l’angle mort des autorités, soit dans les CHSLD et les ressources intermédiaires placées à l’extrême du système et de ses priorités. Dans des centres d’hébergement où la pénurie de main-d’œuvre était abondamment connue et documentée, mais tolérée bien que parfois déplorée. Le cas de l’Hôtel-Dieu de Saint-Hyacinthe est un exemple de choix à cet effet.
Il y aura par contre de la compétition au niveau des enquêtes sur le terrain. On savait déjà que le Protecteur du citoyen mènerait une enquête indépendante à l’égard du ministère de la Santé et des Services sociaux et de quelques établissements publics dans l’espoir de « faire la lumière sur la réponse du gouvernement et du réseau de la santé à la crise de la COVID-19 dans les milieux de vie collectifs pour aînés », selon le communiqué officiel. Une enquête sur le ministère opaque, c’est intéressant.
Mais encore faudra-t-il que le Protecteur du citoyen ait les moyens de ses ambitions et la capacité de retourner toutes les pierres du ministère de la Santé. On l’a vu maintes et maintes fois pendant la crise, il y a un décalage énorme entre ce qui se fait et se dit à Québec et ce qui se passe sur le terrain. Gros, gros mandat en vue pour les deux enquêtes à venir. Ce sera douloureux à entendre plus souvent qu’autrement, mais il faut ce qu’il faut. C’est un passage obligé après ce que l’on a vécu.
Et peut-être qu’en mettant les deux rapports d’enquête bout à bout, on aura un début de réponse et de solution. Peut-être pas. À suivre de près donc.