Toute petite, France Tétrault, originaire de Saint-Jean-Baptiste, savait qu’elle voulait se diriger vers le milieu de la santé. « J’avais une fascination pour ce milieu. Plus jeune, mon premier choix aurait été la médecine vétérinaire, mais quand mon père a été hospitalisé, c’est là que j’ai eu la piqûre du milieu hospitalier. J’ai suivi mon cours d’infirmière auxiliaire et j’ai commencé à travailler ici en 1978 », relate cette résidente du quartier Douville. Mais l’appel « de l’urgence et des soins intensifs » a été assez fort pour la convaincre, quelques années plus tard, de retourner aux études pour compléter son cours d’infirmière et obtenir un baccalauréat de clinicienne pour mieux revenir à Honoré-Mercier. Mme Tétrault a d’ailleurs passé les 26 dernières années à travailler aux soins intensifs, un département qu’elle a quitté le 31 juillet le cœur gros. « Ça a passé tellement vite! », commente-t-elle au sujet des 42 dernières années.
« Je n’ai aucun regret et si c’était à refaire, je recommencerais demain matin, assure-t-elle. Mais j’ai pris la décision il y a cinq ans de prendre ma préretraite pour arrêter cet été. Si je ne me donnais pas de deadline, je ne partirais jamais! Il est temps de laisser la place aux autres et il y a une belle relève ici, surtout dans les conditions qu’on vit actuellement. »
Infirmière dans l’ADN
Mme Tétrault conserve des souvenirs impérissables de ses années à Honoré-Mercier. « Je me souviendrai toujours de mon premier quart de travail, de mon premier mort et de plein d’autres événements marquants. Il y a eu des hauts et des bas et il m’est arrivé souvent de revenir à la maison le cœur gros. Heureusement, mon conjoint était là pour m’écouter. Mais comme infirmière, mon plus beau cadeau est de savoir qu’on a aidé des gens qu’on ne pensait pas voir passer au travers. Certains sont revenus nous voir quelques mois plus tard et on ne les reconnaissait pas tellement ils avaient changé depuis qu’ils avaient quitté les soins intensifs. »
D’un naturel calme et dévoué, elle a aussi laissé sa marque auprès de bien de jeunes infirmières qu’elle a formées au fil des années. « Je leur disais toujours : soignez la personne dans le lit comme si c’était vous ou un membre proche de votre famille. Un jour, ce sera à notre tour d’être dans ce lit. »
« France a une voix rassurante autant pour les patients que pour leur famille. Elle avait le bon ton. Moi, si j’étais de l’autre côté du téléphone, je serais rassurée », commente pour sa part Louise Fréchette, amie et ancienne collègue de France Tétrault, aussi présente lors de l’entrevue.
Année mouvementée
En 42 ans, France Tétrault est passée à travers bien des crises à l’hôpital : des grèves, le C. difficile, le verglas, les moisissures et des déménagements… « Mais la dernière [la COVID-19], je m’en serais bien passé! Ça a été difficile pour le moral et ça a demandé beaucoup d’adaptations. Je pense que cette pandémie est l’épreuve la plus dure que j’ai eue à traverser parce qu’on la vit aussi en dehors de l’hôpital et qu’on sait que ça va durer encore un moment », affirme-t-elle.
C’est d’ailleurs le climat actuel difficile, où les accolades ne sont plus la norme, qui a convaincu Mme Tétrault d’accorder une entrevue au COURRIER pour marquer son départ. « Je pars comme je suis arrivée, discrètement. Je n’aime pas être sous les projecteurs, mais j’aimerais profiter de cet article pour remercier toutes les personnes que j’ai côtoyées ici jour après jour, mais que je n’ai pas eu le temps de saluer une dernière fois. Chacune d’entre elles m’a apporté quelque chose et m’a fait évoluer. » Elle remercie tout spécialement Jean-Guy, son conjoint des 41 dernières années… qu’elle a d’ailleurs rencontré à l’hôpital!
Prendre le temps
Maintenant officiellement retraitée, France Tétrault prendra les prochaines semaines pour véritablement se reposer pour la première fois depuis des mois – les vacances qu’elle devait prendre en mai ont été annulées à cause de la pandémie – et pour simplement « prendre le temps de prendre le temps ». « On n’a qu’une retraite à vivre, on verra où la vie m’amène », lance-t-elle avec philosophie.