Le jugement, qui tient sur 21 pages, relate les nombreux troubles de santé mentale, de problèmes de consommation et d’épisodes de violence de Steve Gaudette, Maskoutain aujourd’hui âgé de 40 ans, qui ont débuté dès l’âge de 18 ans après avoir fait la découverte de son frère pendu. « À compter de 2000 s’en suivront des épisodes dépressifs et une longue succession de suivis médicaux, de traitements et d’hospitalisations », a résumé la juge St-Gelais au sujet de l’accusé. Gaudette avait d’ailleurs passé une semaine à l’hôpital en juin 2018, un mois avant qu’il ne poignarde Denis Chassé à mort.
Elle a aussi retenu les nombreux actes violents commis par Gaudette, notamment à l’encontre de son environnement, de ses propres parents ou du personnel soignant lors de ses nombreux séjours à l’hôpital, qui ont culminé avec les tristes événements du 3 juillet 2018 dans le tunnel piétonnier Laframboise.
« [L]’accusé, aux prises à des hallucinations auditives, quitte le domicile de ses parents en emportant avec lui un couteau pour se défendre craignant de se faire agresser. Une voix lui a dit qu’il sera agressé. Dans le tunnel piétonnier, lorsque la victime lui a dit de se tasser, il a eu peur, il a vécu cela comme une agression. Il a réagi en donnant un coup de couteau et il s’est sauvé. » La preuve a fait état de 29 coups de couteau.
Cruel et gratuit
Même si l’accusé a été reconnu non criminellement responsable de ses actes à l’issue d’un procès par admission le 18 juin 2020, la juge St-Gelais a souligné qu’« il s’agit de gestes purement gratuits, commis en plein jour, dans un endroit public et à l’égard d’un inconnu ». Elle a ajouté que Gaudette avait fait usage « d’une très grande violence à répétition à l’égard d’une victime sans défense » en commettant ses gestes « cruels et gratuits ».
De plus, même si l’état de l’accusé est stable maintenant qu’il est pris en charge par l’Institut Philippe-Pinel et adéquatement médicamenté, ses troubles de santé mentale ne le quitteront jamais et il représentera toujours un risque pour le public s’il devait sortir sans supervision.
Pour ces raisons, la juge St-Gelais a accueilli favorablement la demande des procureurs de la Couronne, Mes Cimon Senécal et Caroline Fontaine, de déclarer Steve Gaudette accusé à haut risque, ce qui se traduit par une détention en milieu hospitalier avec davantage de restrictions que la normale, l’empêchant de quitter l’Institut Philippe-Pinel sans escorte tant que la cause ne revient pas devant la Cour supérieure pour retirer ce statut, ce qui n’arrivera pas tant que le tribunal administratif ne considère pas que l’état de l’accusé s’est assez amélioré pour éventuellement voir retirée cette restriction.
Même si ce jugement ne ramènera pas Denis Chassé à la vie, les proches de la victime ont tous poussé un soupir de soulagement en entendant le verdict lundi après-midi. « On attendait ce verdict pour protéger d’autres personnes qui pourraient, comme Denis, être agressées gratuitement par cet homme », ont confié les membres de la famille Chassé, qui ont suivi pendant 28 mois les procédures menant à la décision du 9 novembre. Plusieurs se disent enfin prêts à faire leur deuil, eux qui ont trouvé éprouvantes les procédures judiciaires.
Mais malgré le soulagement de ce jugement fortement attendu, il reste un goût amer dans la bouche de certains membres de la famille Chassé. Le manque de sympathie de l’administration municipale face à la mort d’un Maskoutain innocent a été pointé du doigt. « Parmi les élus, seul Jeannot [Caron, conseiller municipal du district Cascades] est venu aux funérailles. Le maire n’a jamais transmis ses sympathies à la famille et, plus de deux ans après les événements, je ne sens pas que le tunnel est plus sûr qu’au moment du drame », a commenté Doris Chassé, sœur de la victime.
Un souvenir bien vivant
La vie de Denis Chassé a été arrachée il y a plus de deux ans, mais son souvenir demeure impérissable pour ceux qui l’ont côtoyé. Une lettre rédigée par les membres de sa famille et transmise à la juge St-Gelais dans le cadre de ce procès faisait état d’« un homme bon, gentil, serviable, qui ne faisait pas de mal à personne » qui a toujours su transmettre le bonheur autour de lui. La famille Chassé ne manque pas d’anecdotes pour souligner à quel point Denis a toujours tenté de redonner à la vie malgré les épreuves qu’il a lui-même traversées. « Denis, cet homme au grand cœur n’est plus, il nous manque et il nous manquera toujours. Nous espérons qu’il repose en paix », conclut l’émouvante lettre dont LE COURRIER a obtenu copie.