De décembre 2015 à février 2020, la Ville de Saint-Hyacinthe a dépensé un montant de 87 644 $ en frais juridiques et en dépenses auprès d’un agronome dans le long processus de dézonage de deux lots situés le long de l’avenue Pinard qui sont destinés à accueillir le futur abattoir d’Exceldor.
Ces factures avaient été demandées dans le cadre d’une demande d’accès à l’information déposée à la fin septembre par le Syndicat de l’UPA de la Vallée maskoutaine (représenté par son président André Mousseau) et l’Association de la relève agricole de Saint-Hyacinthe (représentée par son vice-président Kévin Richard) auprès des Services juridiques de la Ville.
Les documents obtenus par la Fédération de l’UPA de la Montérégie et remis au COURRIER révèlent que la Municipalité a déboursé 76 262 $ auprès de la firme juridique Therrien Couture, devenue Therrien Couture Joli-Cœur, et 11 382 $ auprès de l’agronome Daniel Labbé.
« Les terres en question sont pourtant parmi les plus fertiles non pas seulement à Saint-Hyacinthe, ni dans la MRC des Maskoutains, mais au Québec. L’odieux étant parfois la porte de sortie du ridicule, la Ville a déjà dépensé 90 000 $ (et ce n’est pas fini) en frais d’avocats et de spécialistes pour tenter de convaincre la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ), deux fois plutôt qu’une, des avantages encourus à dilapider son propre patrimoine agricole », s’indigne André Mousseau, président du Syndicat de l’UPA de la Vallée maskoutaine, dans une lettre ouverte publiée en page 11 de la présente édition.
Les deux demandeurs s’étaient parallèlement adressés à la MRC des Maskoutains pour obtenir les copies des factures en frais juridiques, administratifs et professionnels acquittés par la MRC. Rappelons que la MRC des Maskoutains a repris ce dossier de demande de dézonage devant la CPTAQ après que la Ville eut essuyé un premier refus en 2019.
La greffière et responsable de l’accès aux documents de la MRC, Me Magali Loisel, a répondu qu’à la date de la demande d’accès aux documents « la MRC ne détenait pas de documents ou de registres concernant celle-ci ». On comprend donc que la MRC n’est qu’un simple porteur de dossier.
Entente secrète
André Mousseau et Kévin Richard n’ont par ailleurs pas réussi à obtenir une copie de l’entente signée entre la Ville de Saint-Hyacinthe et l’entreprise Exceldor en vue de l’implantation de cette future usine qui représente un investissement de 200 M$ et la création de 600 emplois.
Me Hélène Beauchesne, responsable de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels à la Ville, a justifié son refus de divulguer « l’offre de la Ville à Exceldor » en évoquant trois articles de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.
« Nous constatons que la Ville refuse de dévoiler l’entente signée avec Exceldor. Je pense que ce serait important que tout le monde ait accès à ce document », estime Jérémie Letellier, nouveau président de la Fédération de l’UPA de la Montérégie, en entrevue au COURRIER. Celui-ci est à évaluer si ce refus fera l’objet d’une demande de révision écrite auprès de la Commission d’accès à l’information.
M. Letellier ignore encore la date à laquelle la CPTAQ convoquera de nouveau les parties pour une ultime audience avant sa décision finale. Le 29 juin, les commissaires avaient rendu une orientation préliminaire négative.
« La position des deux parties est très claire. Cela se règlera devant la Commission. Si la Ville de Saint-Hyacinthe et la MRC des Maskoutains veulent nous recevoir sur d’autres sujets, notre porte est ouverte. Sur le dossier Exceldor, tout a été dit », indique Jérémie Letellier.
« Dans ce dossier de dézonage, nous avons identifié beaucoup de terrains disponibles à l’échelle de la MRC des Maskoutains. Le premier terrain qui était visé était le premier à écarter parce qu’il est zoné agricole », poursuit-il.
Dans sa missive, André Mousseau dit être opposé à tout compromis. « Une chose est certaine, quelles que soient les propositions compensatrices que vous présenterez prochainement devant la CPTAQ, soit l’échange de superficies, le dédommagement monétaire ou la construction de serres sur le toit, celles-ci seront futiles. L’éventuelle destruction délibérée de ce territoire unique par une coopérative agricole demeurera un geste incompréhensible et surtout décevant », souligne ce producteur en serre de Sainte-Marie-Madeleine.