Même si la pandémie reste le sujet de l’heure, il est bon de savoir qu’il se brasse d’autres dossiers au Québec. L’un de ceux-là vise la publication et l’adoption, d’ici le printemps 2022, d’une Stratégie nationale d’urbanisme et d’aménagement du territoire. En deux mots, on souhaite moderniser la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme datant de 1979. Cette dernière n’a pratiquement jamais été revue depuis son entrée en vigueur.
La ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest, a donc lancé « une réflexion globale sur la manière dont le territoire québécois est planifié et développé » afin de mettre en œuvre cette stratégie nationale. Son objectif? Doter le Québec d’une vision cohérente qui guidera les interventions et les investissements en vue de la création de milieux de vie de qualité et présentant les conditions nécessaires à un développement économique durable. Une vision globale et cohérente, impossible d’être contre. C’est ce que l’on attend d’ailleurs dans nos municipalités.
Sentir de la vision et de la cohérence dans le développement du territoire maskoutain et dans les annonces d’investissements, par exemple. Des notions qui ne sautent pas toujours aux yeux. Je ne peux dire à quel point la mise sur pied d’une stratégie nationale d’urbanisme est essentielle pour attirer des investissements comme le suggère la prémisse de la consultation qui s’ébranle, mais quand je regarde l’effervescence qui secoue Saint-Hyacinthe au niveau des investissements immobiliers, je n’ai pas l’impression que cette loi vétuste est un frein ou un irritant majeur pour les promoteurs.
Si la modernisation vise à réunir des conditions gagnantes pour faciliter la vie des investisseurs, autant dire que le bar sera grand ouvert. Imaginatifs, les promoteurs actifs chez nous ces temps-ci semblent s’accommoder assez bien des règles. Encore davantage depuis l’adoption de la Loi 122 qui a accru l’autonomie et les pouvoirs des municipalités.
Quand je pense à des promoteurs imaginatifs, je pense entre autres au Groupe Robin qui a sorti une pétition positive de son chapeau, l’automne dernier, pour faire obstacle à la résistance citoyenne à l’égard de certains aspects du développement du Quartier M.
La trouvaille du promoteur a court-circuité la démarche référendaire après qu’un nombre suffisant de citoyens concernés eut exigé la tenue d’un registre.
En matière d’imagination, le Groupe Maurice ne donne pas sa place non plus. Il a déniché dans la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme l’astuce pour contourner l’opposition désorganisée à l’égard de son complexe pour aînés prévu dans le stationnement du Provigo.
En se drapant de l’article 123.1.2 et grâce à une vingtaine de lits de soins répartis à travers les quelque 348 logements de luxe qu’il prévoit construire, le Groupe Maurice pourrait donc contourner lui aussi les embûches liées au changement de zonage.
L’article de loi en question indique qu’un projet n’est pas soumis à un règlement susceptible d’approbation référendaire s’il vise entre autres à permettre la réalisation d’un projet relatif à de l’habitation destinée à des personnes ayant besoin d’aide, de protection, de soins ou d’hébergement, notamment dans le cadre d’un programme de logement social.
On s’entend que la grande majorité de la clientèle visée par le Groupe Maurice ne correspond pas vraiment au profil de personnes ayant besoin d’aide et de protection. Et on est loin du logement social quand on s’attarde au croquis présenté. À vue de nez, cette façon de faire semble étirer un peu le principe derrière l’article 123.1.2, mais la Ville de Saint-Hyacinthe, trop heureuse de profiter d’un investissement privé de 60 M$ et d’une opportunité de densification, ne s’en formalise pas trop. Elle aurait même, me dit-on, l’intention de partager cette recette originale à d’autres promoteurs qui redoutent les écueils d’un processus lié au changement de zonage. Ce sera sûrement fait dans un souci de stratégie globale et cohérente. Car attirer des investissements, c’est la mission que s’est donnée le maire Claude Corbeil.
Si on doit le juger sur les résultats, c’est un franc succès. Sur la façon de faire, il y a peut-être matière à discussion.