Ce n’est donc pas eux qui ont pris le plus de place dans l’espace public depuis le début de la crise et, pourtant, les jeunes adultes doivent apprendre à vivre ce moment charnière de leur vie en grande partie de manière virtuelle. Trois d’entre eux ont accepté l’invitation du COURRIER de parler en toute franchise de cette dernière année pour le moins déstabilisante.
Sans dramatiser à outrance leur réalité, il semble tout de même que la perte de socialisation aura été l’enjeu déterminant de la pandémie pour eux. En mars dernier, le premier confinement a brisé de manière soudaine les liens quotidiens qu’ils entretenaient avec leurs pairs. Une carence sociale qui peut finir par jouer sur le moral à la longue, ont reconnu nos trois intervenants, qui demeurent néanmoins des exemples de réussite.
Défi d’adaptation
Pas de secret, pour rester accroché à l’école malgré l’enseignement à distance, il faut développer son autonomie et être bien organisé, selon Léa Thibault-Rousseau, étudiante de première année au Cégep de Saint-Hyacinthe. Il faut dire que le défi pour les nouveaux cégépiens a toujours été de s’adapter à un environnement moins encadré que le secondaire, mais le faire en dehors des murs du cégep rend la chose doublement plus difficile, reconnaît-elle. « La clé, c’est vraiment la motivation », affirme Léa. Ah oui, et garder sa caméra allumée pendant les cours aussi!
Pour Loïk Hébert, qui a aussi commencé le cégep cet automne, ce qui le garde motivé, c’est l’importance qu’il accorde à maintenir d’excellents résultats, une nécessité pour entrer à l’université dans le programme fortement contingenté auquel il aspire, en droit des affaires. Il trouve d’ailleurs que les contraintes sanitaires sont particulièrement préoccupantes parce qu’elles viennent « créer un précédent de restrictions des libertés » par le gouvernement, quelque chose dont on devrait tous s’inquiéter, met-il en garde.
Tout comme Léa, il soutient que c’est grâce à une grande assiduité et une bonne organisation que l’on peut réussir, même seul devant son écran, à la maison. Si, de toute évidence, l’enseignement à distance fonctionne, « il manque quand même le contact social », fait remarquer Loïk, pour qui il s’agit d’une composante capitale dans le parcours scolaire. Même principe avec le port du masque, qui constitue une « barrière sociale » dans les contacts humains, d’après lui.
L’étudiant dit même avoir de la difficulté à véritablement cerner sa nouvelle expérience collégiale en raison de ce contexte particulier. « C’est comment le Cégep? Honnêtement, je n’ai pas vraiment l’impression de l’avoir vécu encore », livre-t-il.
Même au secondaire, que fréquente par exemple Éric Simard, les étapes classiques comme la fin des classes ont soudainement perdu leur sens. « En juin dernier, je n’ai pas vraiment eu l’impression de finir l’année… c’est comme s’il manquait quelque chose », rapporte-t-il.
Jeunesse sur pause
Tous ont eu à un moment ou à un autre ce sentiment de passer à côté leurs « années de jeunesse », comme l’expose Léa, même si elle dit comprendre et accepter ce « sacrifice » qui s’avère être nécessaire pour protéger le reste de la société. « Et dans un sens, on est chanceux avec la technologie actuelle », ajoute-t-elle aussi en parlant des différents moyens de communication qui ont permis de pallier le contact réel. Si le virtuel s’est imposé comme une alternative, ils ont bien hâte de retrouver un semblant de normalité alors que la durée de la pandémie continue de s’allonger.
Pour Éric par exemple, le début du confinement n’a pas été de tout repos puisqu’il faisait partie du groupe de l’École secondaire Saint-Joseph qui se trouvait au Sénégal pour un voyage humanitaire lorsque les restrictions aux frontières ont commencé à être implantées. Il admet ainsi que les premiers temps du confinement ont été une belle occasion de simplement se reposer après un rapatriement éprouvant ponctué d’escales. Après quelques semaines, c’est toutefois l’ennui qui a fini par s’imposer et miner la motivation. « À un moment donné, tu as juste envie d’échanger avec les autres », a-t-il admis.
« À la longue, on finit par ne plus compter les semaines. C’est comme vivre en parallèle de la vraie vie », évoque quant à lui Loïk, qui se montre le plus critique envers les mesures de confinement. S’il reconnaît l’importance de protéger les plus vulnérables, le reste de la société devrait pouvoir recommencer à fonctionner, au risque de créer une « génération COVID » qui restera imprégnée par les nouvelles normes qui se sont imposées depuis un an, s’inquiète-t-il.
Si les trois jeunes qui ont accepté de nous parler sont parvenus à surmonter les obstacles de la pandémie la tête haute, combien de ceux qui éprouvaient déjà des difficultés n’ont pas pu relever un tel défi? La véritable inquiétude est là.