25 mars 2021 - 07:00
Contrats de construction
Encore des secrets
Par: Martin Bourassa
Comment une organisation comme Saint-Hyacinthe Technopole, qui reçoit annuellement plus de 1,4 M$ de dollars en financement public de la Ville de Saint-Hyacinthe et qui semble soumise à ses volontés, peut-elle octroyer directement un contrat de 25 M$ à un entrepreneur sans passer par un processus d’appel d’offres public?

C’est la question qui ne semble pas préoccuper grand-monde à Saint-Hyacinthe et à Québec, mais qui devrait. Surtout quand on pense que le contrat en question concerne la construction du futur siège social de CDMV, le centre de distribution de médicaments vétérinaires dont l’actionnaire principal est SGF Soquia, une société d’État.

Les circonstances entourant l’octroi de ce contrat devraient pouvoir être débattues froidement sur la place publique. Or, Saint-Hyacinthe Technopole dit qu’il n’a pas de comptes à rendre en raison de son statut d’organisme sans but lucratif privé. Il tire en effet la majorité de son financement des revenus de location d’immeubles industriels construits en grande partie grâce aux emprunts cautionnés par la Ville de Saint-Hyacinthe.

Une entreprise de Saint-Hyacinthe, Construction Bugère pour ne pas la nommer, avait été approchée par Saint-Hyacinthe Technopole pour la construction de l’immeuble CDMV. Sauf qu’elle n’a pas pu soumissionner compte tenu des critères trop restrictifs à son goût imposés par le donneur d’ouvrage. Et elle a fait part de sa déception au COURRIER.

Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que cette entreprise s’interroge sur les façons de faire de Saint-Hyacinthe Technopole ou de son ancêtre, la Cité de la biotechnologie. Bugère avait questionné le processus qui avait mené, en 2012, au choix de l’entrepreneur retenu pour la construction du Centre de développement pharmaceutique. Et pour cause. Le contrat de 14,7 M$ avait été octroyé au terme d’un accord conclu de gré à gré entre la Cité et la firme BLT Construction. Il appert que l’un de ses dirigeants avait été reconnu coupable de corruption et de complot impliquant des conseillers municipaux en 2004.

Cette découverte embarrassante et le secret entourant sa sélection avaient amené la Ville de Saint-Hyacinthe et la MRC des Maskoutains à exiger des explications et des modifications à la gouvernance du Centre de développement pharmaceutique, une corporation qui était apparentée à la Cité de la biotechnologie. Même que l’ancien DG de la Cité avait été forcé de justifier son choix.

Dans le cas de l’immeuble CDMV, on sait que le contrat de construction de cet investissement de 30 M$ a été donné à l’entrepreneur lavallois Frare & Gallant et que Bugère n’a pu soumissionner. Est-ce que Saint-Hyacinthe Technopole aurait pu faire davantage pour permettre aux entreprises locales de profiter de ce contrat et que fera-t-elle pour maximiser les retombées sur les sous-traitants locaux? Allez savoir. Le directeur général André Barnabé et le président du conseil d’administration, Bernard Forget, préfèrent se réfugier dans le secret. Privé!!!

Il apparaît curieux que cette indépendance soit à intensité variable. Depuis trois ans déjà, la Ville de Saint-Hyacinthe a entreprise de réformer la gouvernance économique dans la région en forçant la fusion stratégique entre Saint-Hyacinthe Technopole et Développement économique de la MRC des Maskoutains. Ne manque que la bénédiction du conseil des maires de la MRC. Mais si Saint-Hyacinthe Technopole est aussi privé, pourquoi accepte-t-il de se faire dicter sa conduite et son avenir par la Ville?

Et ce nouvel organisme sera-t-il public ou privé? Tout se jouera au niveau du financement. Est-ce que la nouvelle structure touchera plus de financement public que la part de ses revenus autonomes? Ce sera serré. Selon mes calculs, le financement public de la nouvelle structure devrait osciller autour de 2,5 M$. En 2019, Saint-Hyacinthe Technopole avait collecté 1,9 M$ en revenus de location, somme qui a dû s’apprécier depuis et qui le fera encore davantage avec CDMV.

Est-ce que la nouvelle structure pourra encore donner des contrats de plusieurs millions de dollars sans appel d’offres public, et ce, sans aucune reddition de comptes? J’ose croire que les maires de la MRC vont soulever la question et mettre fin à cette détestable culture du secret.

Une nouvelle gouvernance impose plus de transparence. Ce principe devrait être non négociable chez nos élus.

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