15 avril 2021 - 07:00
Pertes d’emplois
Les temps changent
Par: Martin Bourassa
Et pas nécessairement pour le mieux. Voilà la réflexion qui m’a traversé l’esprit en prenant la mesure des réactions à l’annonce de la fermeture prochaine de l’usine Stanley Black & Decker (SBD) de Saint-Hyacinthe et la perte sèche de quelque 200 emplois.

C’est plutôt l’indifférence avec laquelle l’annonce de cette fermeture a été accueillie par les milieux politique et économique maskoutains qui m’a sidéré. On a pris note et on s’est résigné. Merci, bonsoir. J’avais éprouvé la même sensation quand SEMEX a annoncé la fermeture de ses installations de Sainte-Marie-Madeleine et le transfert d’une partie de ses activités maskoutaines en Ontario. La perte d’une soixantaine d’emplois dans la MRC des Maskoutains n’avait pas semblé émouvoir grand-monde. Et l’histoire s’est répétée la semaine dernière avec la SBD. J’ai cherché, mais je n’ai vu personne demander des explications à l’entreprise ou lui tendre la main, si besoin est.

Du côté de la Ville de Saint-Hyacinthe, aucune réaction officielle. Guère davantage du côté de son bras économique, Saint-Hyacinthe Technopole. Son directeur général André Barnabé, lui dont la « fine connaissance de l’écosystème économique régional » a été louangée, n’a rien vu venir, ou si peu. « Nous allons tenter d’entrer en communication avec eux, mais je comprends qu’il s’agit d’une décision irréversible. Si nous pouvons aider les employés, nous le ferons », a-t-il témoigné en substance.

C’est bien le minimum à faire pour une organisation qui se targue de visiter les entreprises chaque année et d’entretenir des liens étroits avec celles-ci.

Le député bloquiste, lui qui n’en rate pas une habituellement, n’a pas cru bon se manifester par l’envoi d’un communiqué, comme il l’a fait récemment au lendemain d’un incendie sur la rue Dessaulles, ni même sur les réseaux sociaux où il est pourtant hyperactif.

À titre de député fédéral de la circonscription et vice-président d’un comité spécial sur la relation économique entre le Canada et les États-Unis, Simon-Pierre Savard-Tremblay a manqué une belle occasion de s’indigner de la décision d’une multinationale américaine de sabrer 200 emplois dans son comté. Et si elle n’avait pas été sollicitée deux fois plutôt qu’une par LE COURRIER, il est à se demander si la députée caquiste de Saint-Hyacinthe, Chantal Soucy, aurait réagi à ce « dur coup à encaisser pour notre région ». Tel un George Chuvalo devant Muhammad Ali, les Maskoutains sont capables de prendre des coups!

Comment expliquer cette apathie de nos leaders quand le malheur frappe dans nos entreprises? On me dira peut-être qu’il est inutile de rugir quand une pénurie de main-d’œuvre fait rage. À la lumière des réactions provoquées par la fermeture de la SBD sur notre page Facebook, les ex-employés de la SBD auront l’embarras du choix. Tant mieux.

Mais est-ce une raison pour laisser aller nos acquis sans réagir? Pendant qu’on multiplie les efforts pour attirer les quelque 600 emplois promis par Exceldor à Saint-Hyacinthe, ne faudrait-il pas aussi se soucier des emplois que nous avons? Donner l’impression d’être concernés, à défaut d’être consternés par des annonces de fermetures d’usine ou de déménagement de production à l’étranger.

Les temps changent. Les plus âgés de nos lecteurs se souviendront sans doute du choc provoqué par la fermeture du département de couches de l’usine Kimberly-Clark à l’automne 1998, avec la suppression de 260 emplois. Rapidement, une coalition s’était formée dans l’espoir de renverser la vapeur. Leaders syndicaux, préfet, maire, député provincial et directeur général du CLD avaient souscrit à l’initiative du député Yvan Loubier.

Cette coalition avait même fait le voyage jusqu’à Chicago pour s’entretenir avec la haute direction et lui remettre une pétition de 25 000 signatures (!), symbole de l’attachement des Maskoutains.

Vrai, tous ces efforts n’ont pas suffi. Au printemps 2006, Kimberly-Clark a donné le coup de grâce en mettant fin à 47 ans de production et en envoyant au chômage un dernier lot de 170 employés. La bataille a-t-elle été vaine pour autant?

Je n’en suis pas convaincu.

La mobilisation de 1998 aura peut-être permis de repousser la fermeture complète de l’usine. Mais surtout, elle aura démontré haut et fort que les Maskoutains savaient faire autre chose qu’encaisser des coups durs. Ils savaient aussi se mobiliser quand ils en avaient l’occasion.

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